Même si la loi française a connu ces dernières années plusieurs évolutions favorables aux nouvelles formes de parentalités, le code du travail reste peu disert quant aux droits spécifiques des parents-salarié·e·s LGBTQI+. Dans ce contexte, les avantages qui leur sont octroyés peuvent varier d’une entreprise à l’autre.
Par Arnaud Lefevre
« Nous sommes actuellement en train de mener une étude car la législation en France est complexe, et nous souhaitons que toutes les situations soient traitées équitablement. » Le témoignage de Corinne Derboeuf, Directrice de la diversité, de l’inclusion et du bien-être chez Schneider Electric France, illustre la difficulté que peuvent rencontrer les entreprises françaises dans la mise en œuvre d’une politique RH à destination des parents-salarié·e·s LGBTQI+. De fait, en dépit d’avancées notables ces dernières années (extension des droits du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe depuis 2013, extension de la procréation médicale assistée à l’ensemble des femmes cisgenres en 2021…), la loi française n’intègre aucune disposition faisant expressément référence aux parents de même sexe. « Mais cette situation ne signifie pas pour autant qu’aucune disposition ne s’applique à elles dans le monde de l’entreprise, bien au contraire », relève Florent Berdeaux, avocat spécialisé en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine.
Du père au conjoint salarié
Les parents-salarié·e·s homosexuel·le·s peuvent en effet bénéficier d’une série de congés. C’est le cas, par exemple, du « congé de paternité et d’accueil de l’enfant », dont la durée a été allongée à 25 jours calendaires en juillet 2021. A noter, si le « congé paternité » est un élément de droit, le « congé d’accueil de l’enfant » relève d’accords d’entreprises. Dans ce cas, le dispositif initialement réservé au père salarié est élargi au « conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle », comme le signale dans une étude récente Sophie Sereno, maître de conférences à l’Université Aix-Marseille. De même, une salariée enceinte ou recourant à la procréation médicalement assistée (PMA) bénéficie, quelle que soit son orientation sexuelle, d’autorisations d’absence sur son temps de travail pour se rendre aux examens médicaux obligatoires. « Le futur père, ou la personne qui vit avec la future maman, jouit aussi d’un droit similaire », précise Florent Berdeaux. Enfin, d’autres types de congés peuvent également profiter aux membres de familles homoparentales, à l’instar du « congé pour enfant malade ». Même si l’ensemble de ces droits commencent à être bien identifiés par les employeurs, bon nombre d’entre eux aimeraient néanmoins pouvoir s’appuyer sur un cadre juridique plus explicite. « Dans le domaine du droit plus qu’ailleurs, on sait que le diable se niche souvent dans les détails, et le fait de ne pas pouvoir s’appuyer sur des textes abordant précisément la situation des familles homoparentales au sein de l’entreprise tend à instaurer une forme d’inconfort juridique », confirme le responsable en charge de la diversité et de l’inclusion d’une grande entreprise.
L’accès à la mutuelle d’entreprise
Dans ce cadre, la priorité des entreprises consiste à s’assurer que leur politique RH est en ligne avec la législation, et à communiquer sur ce plan. Certaines, plus volontaristes et engagées sur les enjeux LGBTQI+, vont d’ores et déjà plus loin. « La personne vivant avec l’un de nos salarié·e·s peut bénéficier de notre mutuelle, quel que soit son genre, et ce même si le couple n’est pas marié ou pacsé », évoque Aline Crepin, directrice innovation sociale et affaires publiques de Groupe Randstad France. Il en va de même chez IBM France, « où la garantie décès et les avantages offerts par le Comité social et économique sont également ouverts à la personne en couple avec notre salarié·e, indépendamment de son genre », indique Anne-Gaëlle Chasles, exec sponsor LGBTQI+.
Une donnée confidentielle
Si le genre du partenaire ou du conjoint représente souvent, dans ces sociétés, un non-sujet, c’est aussi parce qu’il s’agit d’une donnée confidentielle. « Nous avons depuis plusieurs années introduit dans notre politique parentalité les notions de parent 1 et parent 2 afin de neutraliser la question du genre dans les mesures de parentalité et permettre de prendre en compte la diversité grandissante des schémas familiaux, explique Corinne Derboeuf. Ce faisant, le congé d’accueil de l’enfant, par exemple, bénéficie aujourd’hui indépendamment à un homme ou une femme et est rémunéré à 100 % pour tous. Nous avons d’ailleurs deux femmes qui en ont bénéficié au cours des trois dernières années. » Randstad France a aussi mis en place des filtres comparables, notamment lors de la saisie d’informations sur les bénéficiaires de la mutuelle.
Alors que ces entreprises précurseuses entendent poursuivre leurs actions en faveur de la parentalité LGBTQI+, un sujet pourrait devenir brûlant dans les mois à venir, à en croire l’augmentation des demandes de renseignement en interne : le cas d’un couple d’hommes appelés à devenir pères à la suite d’une gestation pour autrui. Si le code du travail aborde les situations qui ont une existence légale au regard du code civil et du code de la famille, il revient aux entreprises de gérer au cas par cas l’accompagnement des autres parentalités, à l’instar par exemple des situations de GPA.
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