Mon enfant fait sa transition, mon entreprise m’accompagne

<strong>Mon enfant fait sa transition, mon entreprise m’accompagne</strong>

Le coming-out d’un enfant transgenre n’est pas sans incidence sur le parcours professionnel de ses parents. A l’occasion du webinaire « mon enfant fait sa transition, mon entreprise m’accompagne », têtu·connect a choisi de donner la parole aux parents d’enfants qui transitionnent. Quelle a été la réaction de leurs employeurs ? Ont-ils été aidés par des aménagements d’emploi du temps pour accompagner leurs enfants dans leurs rendez-vous médicaux et leurs formalités administratives ? Retours d’expériences.

Par Chloé Consigny

Le 1er septembre 2022, en France, 12 millions d’élèves prenaient le chemin des écoles, des collèges et des lycées. Parmi iels, des élèves mal à l’aise avec le genre qui leur a été assigné à la naissance. Pour ces élèves, le chemin est difficile, voire douloureux. Certains et certaines ont, à leurs côtés, des parents décidés à les accompagner dans leur parcours. C’est le cas de Chrystelle Vincent et de son époux Guillaume, parents de Lilie, ou encore d’Elisa Bligny et de son époux, parents d’Amé, aujourd’hui âgé de 21 ans. 

Un bon accueil au sein des petites structures 

Toutes deux témoignent du bon accueil au sein de leur milieu professionnel. « Je n’ai pas à proprement parlé fait de coming out sur la situation de mon enfant. J’ai simplement partagé mes questionnements auprès de mes collègues, avant même que mon enfant m’en parle », se souvient Elisa Bligny, qui ajoute « Je suis journaliste pigiste et je travaille depuis cinq années au sein du même groupe de presse. En tant que pigiste, il est tout à fait possible de refuser des missions sans se justifier. Néanmoins, j’en ai parlé à mon rédacteur en chef, car j’ai senti qu’il était capable de comprendre. Peut-être que dans un autre environnement de travail je n’en aurais pas parlé. Cependant, cela me paraît très difficile de taire un événement majeur de sa vie personnelle auprès de ses collègues de travail ». Aussi lorsque le besoin s’en est fait sentir, Elisa a choisi de ne pas travailler le mercredi pour être auprès de son enfant. « Pour sa dernière année de lycée durant laquelle Amé a commencé sont hormonothérapie, je sentais mon enfant fragile. Je voulais être là à son retour de lycée le mercredi et, c’est la raison pour laquelle, j’ai décidé de ne pas travailler ce jour-là. J’ai expliqué les raisons à mes collègues et à mon rédacteur en chef et cela a été très bien accepté ». Même son de cloche du côté de Chrystelle « je suis éducatrice spécialisée indépendante, c’est-à-dire que je travaille directement auprès de familles. Les familles qui ont un enfant en situation de handicap savent très bien qu’un planning peut changer en dernière minute. Aussi, lorsque j’ai expliqué ma situation à mes huit employeurs cela n’a pas posé de problèmes. J’ai pu, par exemple, prendre une heure pour aller déposer un dossier en mairie et rattraper cette heure par la suite », explique Chrystelle Vincent. 

La mère, au cœur de l’accompagnement 

Beatrice Denaes est fondatrice et co-présidente de l’association TRANS SANTE France. Au sein du groupe de parole à destination des parents d’enfants trans, elle a recueilli de nombreux témoignages. Ici une mère qui jongle avec ses congés payés pour accompagner son fils à ses rendez-vous médicaux. Là, une autre qui ne parvient pas à faire comprendre à son employeur qu’elle a besoin de temps et qui se pose la question de la démission. « Dans tous les cas, je constate que ce sont souvent les mères qui sont en première ligne », souligne Béatrice Denaes qui livre le témoignage de Sylvie : « Le papa est introverti et de ce fait, participe très peu à l’accompagnement. En revanche, il a accepté la transition et cela ne lui pose aucun problème. Il n’en a, en revanche, pas parlé à son employeur ». Si les mères sont au cœur de l’accompagnement médical et administratif, aucun aménagement particulier n’est prévu dans le cadre légal. « Il faut bien avoir à l’esprit que le congé enfant malade ne s’applique pas pour un enfant âgé de plus de 16 ans et l’enfant qui transitionne est souvent âgé de plus de 16 ans. Par ailleurs, un enfant qui transitionne n’est pas un enfant malade », souligne Elisa Bligny. Ce n’est cependant qu’en 2019 que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a supprimé la transidentité de la liste des maladies mentales. Pour rappel, l’homosexualité a été jusqu’en 1990 considérée comme une pathologie psychiatrique. 

Quid du statut d’aidant accompagnant instauré en 2021 en entreprise ? Il ne s’applique pas pour l’accompagnement de transition puisqu’il concerne l’accompagnement d’une personne ascendante ou descendante en perte d’autonomie. Pour les parents de personnes en transition, c’est donc le système D qui s’impose. « J’étais en recherche d’emploi après un déménagement et un changement de région, quand notre fils Maxence a commencé sa transition (il avait 16 ans). Il y avait les rendez-vous médicaux fréquents, au début à 100 km de chez nous, les rendez-vous psy, les prises de sang et autres échographies. J’ai stoppé mes recherches de travail à ce moment-là, ne voyant pas comment je pourrais commencer un nouveau job avec toutes ces absences. Sans parler de l’onde de choc que j’ai ressentie. Pas idéal pour s’intégrer à une nouvelle équipe et rester concentrer sur les projets de l’entreprise », confie Yolande à Beatrice Denaes. 

Témoigner, sensibiliser, informer 

Le sujet de la parentalité d’enfants transgenres reste peu abordé en entreprise. Au-delà de l’aide matérielle, ce sont les mots, les jugements et les regards des autres qui blessent. « Je reste convaincue qu’il faut donner la parole aux personnes concernées. J’ai fait des interventions dans des écoles, mais également dans le centre d’encadrants des personnels pénitentiaires. J’ai écouté toutes les questions, même celles qui me heurtaient. Très souvent le rejet vient d’un manque d’information. Il ne faut donc pas hésiter à prendre la parole pour sensibiliser », explique Elisa Bligny. Un constat largement partagé : « Lorsque l’occasion se présente, nous parlons volontiers de la transidentité de notre fille, sans gène, afin de contribuer à faire évoluer les perceptions et à rendre meilleur l’avenir de nos proches trans. En parler – avec naturel et simplicité -, permet de faire découvrir, de faire comprendre ou, tout du moins, de rendre moins ignorant. Ces interlocuteurs sont généralement reconnaissants de l’échange et empathiques. Ils découvrent et félicitent le courage dont font preuve les personnes concernées », témoigne une maman membre de l’association TRANS-Santé. 

Faire avancer les droits d’une petite minorité de parents, c’est faire avancer les droits de tous les parents.