“Lorsqu’une personne n’est pas en confiance, je lui parle de ma situation personnelle” Pierre-Arnaud Bouyer, Platform.sh

“Lorsqu’une personne n’est pas en confiance, je lui parle de ma situation personnelle” Pierre-Arnaud Bouyer, Platform.sh

Pierre-Arnaud Bouyer occupe le poste de diversity & recruitment manager au sein de Platform.sh, qui se présente comme le premier PaaS - Platform As A Service - européen. Bisexuel, il revient sur son coming-out professionnel et sur ses différentes expériences au sein de scale-ups. Aujourd’hui, il se consacre à la création d’environnements mêlant toutes les diversités. Partenaire de 50inTech*, il s’engage notamment pour que davantage de femmes s’épanouissent et influencent le monde de la tech.

Par Léa Taïeb

Après un baccalauréat littéraire, Pierre-Arnaud Bouyer étudie le chinois, le japonais et la diplomatie. “Je ne savais pas encore ce qui m’animerait”. Très vite, il rejoint le monde de l’entreprise et exerce plusieurs métiers dont celui de commercial, de chasseur de têtes dans l’industrie pharmaceutique ou encore de journaliste jeux vidéo. “Au début de ma carrière, vers la fin des années 90, je ne communiquais pas sur ma bisexualité. Ce n’était pas quelque chose que l’on revendiquait”, confie-t-il. Et d’ajouter : “à l’époque, en tant qu’homme noir, je n’étais déjà pas à l’abris des remarques racistes”. 

Au fil de sa carrière, il partage son orientation sexuelle avec ses collègues les plus proches. Mais, avec la grande majorité, il reste discret sur sa vie de couple. “J’avais envie d’évoluer dans l’organisation pour être en capacité d’aider d’autres personnes plus en détresse”, explique-t-il. Comme beaucoup de personnes LGBTQI+, Pierre-Arnaud Bouyer redoutait les répercussions de son coming-out sur son évolution de carrière et sa capacité à occuper des postes à impact. 

Les entreprises de la tech, libératrices ? 

Il y a cinq ans, il découvre le monde des scale-ups en rejoignant Doctolib, “un environnement libérateur”. Il s’habitue au télétravail, quitte le costume-cravate et ouvre les recrutements aux talents du monde entier. “On devait passer de 200 personnes à 1500 en l’espace de trois ans”, se souvient-t-il. Et de poursuivre : “le défi c’était de grossir et de le faire correctement”. Pour cela, il évalue l’ouverture d’esprit des candidat·es et suggère à ses employeurs de mettre en place des dispositifs pour attirer tous les profils “en accompagnant la transition de genre ou en proposant des formations aux femmes voulant reprendre une activité professionnelle”.  

Objectif : parité dans 5 ans 

En septembre dernier, il est nommé diversity & recruitment manager de Platform.sh, une entreprise qui emploie 300 personnes issues de 37 pays différents et qui propose à toutes ses équipes “le full remote” (la possibilité de travailler à distance, partout dans le monde). “Depuis leur création, il y a huit ans, ils ont mis en place des guides pour communiquer à distance, pour initier tout le monde à ce mode de travail”, rassure Pierre-Arnaud Bouyer. 

Sa mission consiste à atteindre la parité dans les cinq prochaines années et à garantir l’inclusion de toutes les diversités. “On m’a dit que je pourrai déployer des actions concrètes et on m’a accordé un budget pour le faire”, rapporte-t-il, enthousiaste. Pour commencer, il travaille main dans la main avec 50inTech, une organisation qui aide les femmes à s’intégrer et à progresser dans l’écosystème tech. “Je m’assure que les femmes qui rejoignent Platform.sh puissent trouver leur place et impacter l’organisation”, explique-t’il.

Depuis quelques mois, il réunit près d’une vingtaine de personnes autour des sujets de diversité et d’inclusion. “Nous nous mobilisons pour que 37 cultures puissent cohabiter et travailler ensemble”, résume-t-il. Et de compléter : “chacun·e peut proposer un sujet de conversation, un sujet de débat”.  

Dans la continuité de ses prédécesseur·es, Pierre-Arnaud Bouyer a imposé des formations aux managers et top management pour qu’iels puissent prendre conscience de leurs biais et les corriger. “Dans certaines équipes pas toujours hétérogènes, je suggère aux managers de diversifier leurs viviers de recrutement pour aller, par exemple, chercher des personnes ayant différentes formations universitaires, différents backgrounds socioprofessionnels”, détaille-t-il. 

Bisexualité assumée, safe space garanti

Quelques semaines après son arrivée dans l’entreprise, il a choisi de parler de sa bisexualité alors qu’il intervenait en tant que speaker lors d’un événement Pride en interne. Au quotidien, il évoque son orientation sexuelle quand l’occasion se présente ou pour signifier à son interlocuteur·ice que l’environnement est “safe”. “Si je perçois qu’un·e candidat·e à un poste ne se sent pas suffisamment en confiance pour s’assumer, je n’hésite pas à parler de ma situation personnelle comme je parle des actions de sensibilisation au burn-out ou au coming-out qui sont mises en place régulièrement”, précise-t-il. 

Dès le premier jour d’onboarding, Pierre-Arnaud Bouyer demande à ce que toutes les équipes rappellent les bases de la “corporate culture” et informent sur toutes les initiatives qui sont mises en place comme la tolérance zéro en cas de discriminations. “On pose les fondamentaux pour éviter les confusions par la suite”, traduit-il. L’intégration des nouvelles recrues repose aussi sur un “système de buddy” : chaque jour pendant un mois, une personne s’entretient quotidiennement et durant une demie-heure avec le nouvel élément et répond à toutes ses questions ou met en relation avec la personne apte à y répondre. 

Cette année, Platform.sh s’apprête à accueillir 130 nouvelles personnes et en 2023, 250 nouvelles pourraient rejoindre le groupe. “Mon bureau virtuel est toujours ouvert et , jusqu’ici, je n’ai reçu aucune plainte sur le sujet de l’inclusion”, constate-t-il, ravi.

*50inTech est une plateforme d’accélération de carrières des femmes dans la Tech