Les femmes quittent la tech à l’âge de 35 ans, comment les retenir ?

Les femmes quittent la tech à l’âge de 35 ans, comment les retenir ?

À moins de vivre dans une grotte, cela fait des années qu'on répète (rabâche !) qu'il faut féminiser les métiers de la tech, promouvoir plus de femmes dans les rôles de C-levels, encourager les jeunes femmes à s'orienter vers les STEM (science, technology, engineering and mathematics pour les non-initié·es), avoir plus de femmes VC... Spoiler alerte : Plusieurs études récentes montrent que nous régressons. Voici quelques pistes efficaces - loin du vernis du féminisme washing - pour ceux et celles qui veulent passer la seconde !

Par Fabiola Dor, journaliste spécialisée dans le travail et la tech qui vise à promouvoir un monde du travail inclusif et performant à travers son initiative Test&Work.

Féminiser les postes clés

Tout au long de mon travail, je rencontre encore pas mal d’organisations qui peinent à sourcer, recruter et fidéliser des profils féminins dans la tech, et ce, dans toutes les catégories, de la start-up au grand groupe. Quand on regarde la « workforce » des entreprises tech françaises, j’ai l’impression de tourner en rond comme un hamster en cage sur les sujets d’égalité des genres et d’inclusion. Aujourd’hui, moins d’un tiers des effectifs de ce secteur sont des femmes, dont seulement 16 % dans les métiers techniques et 22 % aux postes de direction, selon le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes sur l’invisibilité des femmes dans le numérique.

Créer des safe spaces

Nul doute que cette sous-représentation entraîne une over-masculinisation qui ne donne pas envie de rester et/ou de rejoindre cette industrie. D’ailleurs, même les plus courageuses finissent par déchanter. Selon plusieurs études, plus de la moitié des femmes quittent la tech après 35 ans, soit 8 ans après le début de leur carrière. Et 43 % des femmes de la tech envisagent de quitter leur poste au moins une fois par semaine. Ça en dit long ! Face à ce sombre tableau, il devient plus qu’urgent de construire des environnements de travail favorables aux femmes, et à toutes les femmes. Cela implique d’adopter une approche intersectionnelle.

Et si vous pensez que j’ai cassé l’ambiance, ce n’est pas fini : 

  • 72 % des femmes exerçant des fonctions dans la tech ont déjà subi au moins une forme de sexisme au travail. Il s’agit par exemple du fait d’être moins bien payées que leurs collègues masculins, des plaisanteries sexistes (22 %) et de la remise en question de leurs compétences et aptitudes (20 %), selon Fawcett Society’s report
  • Des problématiques d’égalité salariale avec un écart de revenus moyen de 19% dans les rémunérations entre hommes et femmes en Europe dans la tech contre 15,8% tous secteurs confondus, selon le Gender Equality Figures de 50 In Tech
  • Plus d’un quart des femmes dans les STEM pensent que les comportements sexistes sont plus fréquents dans la tech que dans d’autres types de travail.
  • Faibles possibilités d’évolution de carrière : près de 35% des employées dans le secteur sont bloquées à leur niveau, sans perspective de grimper dans les échelons.
  • Les femmes noires et issues de minorités ont connu des niveaux d’exclusion supplémentaires, près de trois sur quatre ayant été victimes de racisme au travail.
  • 1 femme noire sur 3 a été considérée par ses collègues comme n’ayant pas de rôle technique.

Pionnière 

Lorsque l’on fait le bilan, malgré toutes les bonnes intentions et les grandes promesses des “techies” de construire un monde meilleur avec des voitures volantes, le secteur reproduit les mêmes travers que les industries traditionnelles. À titre d’exemple, il a fallu attendre l’année 2023 pour voir la première femme à la tête d’une scale-up du Next 40, l’indice regroupant les 40 sociétés les plus performantes de la French Tech. Pour annoncer cette nomination, Le Figaro a titré : « Éléonore Crespo, la femme pressée, première dirigeante du Next 40 ».  

Une “femme pressée”, car en plus d’être la première directrice générale d’une start-up française à intégrer le Next 40, Éléonore Crespo est aussi la première cofondatrice et dirigeante à avoir levé aussi rapidement autant de fonds – près de 400 millions de dollars depuis sa création –  pour sa société Pigment, un éditeur d’une solution de planification financière, lancé en 2019. Rien ne l’arrête, en avril 2024, elle rejoint le club fermé des Licornes avec une levée de 145 millions en Série D Pour en savoir davantage sur cette ingénieure passée par Google et Index Ventures, c’est par ici

Meilleure répartition des parts du gâteau 

Au-delà de cette success story exceptionnelle, la réalité des entrepreneures dans la tech est bien plus ardue. En France, Allemagne, Espagne, Royaume-Uni et Suède, seulement 10 % des jeunes pousses tech créées en 2022 l’ont été par des équipes exclusivement féminines, et 12 % par des équipes mixtes. C’est ce que révèle le dernier baromètre SISTA x BCG  qui se concentre sur la parité des start-up à l’échelle européenne.

Cette même étude met également en lumière des disparités dans le financement des start-up lancées par des fondatrices. Et pour cause : les équipes exclusivement féminines concentrent uniquement 7 % des levées de fonds, et 2 % des financements. Quand on sait que l’argent reste le nerf de la guerre. Grrrr. 

Il est aussi essentiel d’arrêter de donner des miettes aux entrepreneures. Celles qui réussissent à boucler un tour de table sont également exclues des grandes opérations de collecte de fonds. Au total : 94 % de leurs levées sont inférieures à 15 millions d’euros, et seulement 2 opérations sont supérieures à 50 millions d’euros (contre 215 pour les hommes en 2022) sur le périmètre étudié. Bim !

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