Les dirigeant·es de grandes entreprises prêtent une oreille de plus en plus attentive aux questions de diversités et d’inclusion. Néanmoins, les entreprises françaises font encore figure de débutantes au regard de leurs consœurs anglo-saxonnes. Une étude réalisée par le cabinet OliverWyman interroge les responsables de grandes entreprises hexagonales sur le sujet de l’inclusion, tandis qu’un récent rapport livré par l’Institut Choiseul livre des pistes pour passer de l’intention à l’action. têtu·connect vous livre les principaux enseignements de ces études.
Par Chloé Consigny
C’est devenu un marronnier. Chaque année au mois de juin, les entreprises ornent leur logo des couleurs de l’arc-en-ciel. Tous les 8 mars, ces mêmes entreprises affichent leur engagement en faveur des femmes et de l’égalité salariale. Si les progrès sont réels, la marche menant à l’absence de discriminations semble encore longue. Parmi les solutions régulièrement avancées par les experts D&I : l’engagement du top management. Du fait de leur visibilité au sein de l’entreprise, ils et elles se trouvent dans une très bonne position pour faire avancer la diversité et l’inclusion. Encore faut-il que ces dirigeants et dirigeantes soient sensibilisés à ce sujet.
La France à la traîne
Pour son étude intitulée « Diriger pour inclure, inclure pour diriger », le cabinet de conseil OliverWyman a sollicité 125 dirigeants et dirigeantes d’entreprises françaises. Seul·es 25 ont répondu à l’appel. Un chiffre faible, mais qui atteste cependant d’une réelle progression : « Nul doute qu’il y a dix années de cela, aucune entreprise n’aurait souhaité prendre part à la discussion », constate le cabinet dans une tribune. Ce taux de réponse témoigne cependant du retard français. Une enquête réalisée par le cabinet de recrutement Heidrick and Struggles auprès de dirigeants et dirigeantes d’entreprises australiennes, brésiliennes, canadiennes, françaises, allemandes, mexicaines et britanniques et américaines révèle que la quasi-totalité des dirigeants et dirigeantes d’entreprise (93 %), estime que les problématiques de diversité, d’équité et d’inclusion ont acquis ces dernières années une importance majeure. La France se situe en bas du classement. Néanmoins, parmi celles et ceux qui ont accepté de répondre à l’enquête d’OliverWyman, 64 % sont convaincus que les actions D&I ont un effet positif sur leur organisation.
Une terminologie encore mal comprise
Encore faut-il s’entendre sur ce que revêt l’inclusion en entreprise. Dans son étude baptisée « cap sur un leadership inclusif » dévoilée en janvier 2023, l’Institut Choiseul constate que cette notion est encore floue pour beaucoup de dirigeants et dirigeantes. Pour le think tank, l’une des difficultés demeure l’angle catégoriel par lequel est abordée la diversité (Femmes, personnes LGBTQI+, séniors, personnes en situation de handicaps…). « À l’heure où la réduction des inégalités s’impose comme un enjeu, nul ne conteste la légitimité de la question. Pour autant, cantonner l’appréciation de la diversité au décompte des représentants de sous-groupes objectivables apparaît drastiquement réducteur à la majorité des dirigeants interrogés », détaille le rapport. Car au-delà des catégories, la notion de diversité en entreprise revêt une multiplicité de problématiques : parentalité, niveau de diplôme, âge, culture, religion, orientation affective. « Tout individu est singulier, fait de fragilités temporaires ou durables. Cela doit être pris en compte pour bâtir une organisation efficace, performante, porteuse de sens et respectueuse de chacun des membres qui la composent », explique Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises dans le rapport. Dans ce contexte, les entreprises choisissent leurs combats, concentrant leurs efforts sur certaines catégories en se fixant des objectifs chiffrés. Le plus souvent, le point d’entrée se fait par la thématique des femmes. Les entreprises font ensuite des choix, en concentrant leurs actions sur certaines minorités, telles que les séniors, ou encore les personnes LGBTQI +.
Au cœur de la stratégie d’entreprise
Contraintes par la réglementation (Index Pénicaud, loi Copé-Zimmerman, loi « pour choisir son avenir professionnel, loi Rixain), les entreprises françaises sont toutes désormais engagées en faveur d’une meilleure représentation des femmes au sein des instances dirigeantes. Un premier pas, assorti d’une réorganisation particulièrement à l’œuvre au sein des grands groupes qui sont de plus en plus nombreux à se doter de directions Diversité & Inclusion. L’Oréal s’est ainsi doté d’une direction Diversité en 2005. Plus récemment, des géants tels que Kering ou encore LVMH ont opté pour des directions par maisons ou par zones géographiques. Ces directions dont les équipes s’étoffent ne se contentent plus d’être une sous-direction ressources humaines. Celles-ci vont avoir tendance à remonter dans l’organigramme, sans pour autant atteindre les comités de directions. Leurs actions entrent dans la stratégie RSE du groupe et se déploient grâce au relais des collaborateurs et collaboratrices qui s’engagent, sur la base du volontariat. C’est le cas par exemple de France.tv qui, parmi ses 9 000 collaborateurs et collaboratrices, dispose d’une centaine de correspondant·es diversité égalité des chances.
De l’importance de l’exemplarité
Les sujets à adresser sont multiples et les ressorts de la diversité sont nombreux : recrutement, formation, communication, gestion des carrières et des compétences, etc. Difficile, dans ce contexte, de mettre en place une stratégie descendante. « Mon implication en tant que dirigeante est essentielle, mais je ne suis bien sûr pas seule à porter les sujets de diversité et d’inclusion. Les membres de mon équipe de direction sont également très impliqués. Nous nous appuyons également sur nos ambassadeurs locaux, qui jouent un rôle clé dans notre organisation décentralisée », souligne Sophie Bellon, Présidente du conseil d’administration de Sodexo dans l’étude réalisée par le cabinet OliverWyman. Néanmoins, l’intention doit être fortement incarnée par le dirigeant qui, au quotidien, doit faire preuve d’exemplarité, dans la composition des équipes, mais également dans la parole accordée à chaque collaborateur et collaboratrice. Dans son rapport, l’institut Choiseul dresse le portrait du leader inclusif. Celui-ci est volontaire, authentiquement engagé, audacieux, humble mais sûr de lui, curieux, ouvert et fédérateur. De manière plus concrète, cela se traduit via l’adhésion du top management aux ERG LGTBQI+ et allié·es de l’entreprise, à la mise en place d’une tolérance zéro envers les discriminations à l’œuvre au sein d’une organisation ou encore via une stratégie de recrutement permettant de diversifier les profils.