Le coming-out vu d’en face

<strong>Le coming-out vu d’en face</strong>

Le 17 janvier, têtu·connect en partenariat avec Publicis organisait une soirée de discussion sur la thématique du coming-out en entreprise du point de vue de la personne qui accueille le message. Concrètement, comment ça se passe ? Que ressent la personne qui “entend” le coming out ? Comment être à la hauteur de l’annonce ? Comment agir en allié⋅e ? Lors de cet échange, deux duos (composés d’une personne out et de celle qui a reçu la nouvelle) se sont confiés sur leur expérience du coming-out. Retour sur cet échange animé par Nicolas Pirat-Delbrayelle.

Par Léa Taïeb 

En général, têtu·connect donne la parole aux paroles aux personnes out. Mais, cette fois-ci, le talk interroge “l’autre moitié du coming-out”, c’est-à-dire la personne qui reçoit l’information. 

Valérie Leselbaum-Stepler, directrice Médias, Réputation, Influence et Mécénat est une collègue de Corinne Calendini, directrice AXA Wealth Management et DGD AXA Banque. Depuis plusieurs années, les deux femmes travaillent au développement du réseau Mix’in LGBT et allié·es chez Axa (Valérie est la cofondatrice de la branche LGBTQI+ et Corinne est la co-présidente du réseau). Au fil des années, les deux dirigeantes se rapprochent et nouent une véritable amitié. Elles se retrouvent régulièrement autour d’un verre ou d’un dîner et prennent l’habitude d’aborder des sujets qui touchent à la vie personnelle de chacune. À l’aide de ses notes (pour ne rien oublier), Valérie Leselbaum-Stepler se souvient des trois coming-out de Corinne Calendini. “Pour certaines personnes, le coming out est un chemin qui peut prendre plusieurs mois comme plusieurs années”, précise Corinne. 

Une femme lesbienne, trois coming-out

Comment s’est passé le premier coming-out ? Un jour de 2019, les deux femmes se retrouvent au restaurant. “Le restaurant s’appelle “L’entre amis”, ce n’est pas un hasard”, plaisante Corinne. En attendant leurs amis (qui doivent les rejoindre), Corinne s’ouvre sur sa vie privée et lâche “ma vie est un désastre”. “Dans sa lancée, elle me confie qu’elle est amoureuse d’une femme. À ce moment-là, je prends conscience qu’elle vient de me partager quelque chose de très important, d’intense. Corinne vient de m’accorder sa confiance”. Du côté de Corinne, elle a souhaité en parler à Valérie, “parce que je savais qu’elle était une alliée, je la connaissais, je la voyais agir. J’avais la preuve qu’elle comprendrait, que je ne risquais rien”. 

Depuis, dès que Valérie croise Corinne, cette dernière semble “agitée”, plongée dans une série de questionnements. “En même temps, depuis quelques mois, j’étais en dissonance cognitive. En tant que présidente de Mix’in, je montais très régulièrement sur scène et je répétais toujours le même message : il faut être fier d’être soi-même. Un message que je n’arrivais pas à mettre en pratique dans ma vie professionnelle”, explique Corinne. 

Le placard et la dissonance cognitive

Valérie propose alors à Corinne de l’accompagner à un dîner têtu·connect portant sur l’invisibilité des lesbiennes dans le milieu professionnel. “Plusieurs femmes de différentes générations ont pris la parole et sont revenues sur leur parcours, sur leur expérience. C’était un moment d’une grande intensité”, décrit Valérie. Et d’ajouter : “alors que les témoignages prennent fin, Corinne prend le micro et se présente comme la seule lesbienne d’Axa”. Valérie vient d’assister au deuxième coming-out de Corinne. “Ce moment a été un nouveau point de départ : j’ai senti qu’elle se retrouvait, qu’elle commençait à se réaligner”. Corinne complète : “Le témoignage d’autres femmes a tout de suite fait écho”. 

À l’approche du 17 mai, journée mondiale contre les LGBTphobies, Mix’in prépare l’événement autour d’une question: “comment faire en sorte que davantage de femmes lesbiennes soient out ?” La réponse est simple : en mettant à l’honneur plus de rôles modèles. Si plus de femmes lesbiennes haut-placées prennent la parole et se rendent visibles, elles pourraient en inspirer d’autres. Le 17 mai, Corinne monte sur scène et prend la décision de s’outer, de visibiliser son homosexualité. 300 personnes sont présentes sur place et plus de 1000 personnes sont connectées pour suivre l’événement. “À ce moment-là, Corinne devient la rôle modèle dont nous avons besoin”, commente Valérie. 

Un coming-out continu 

À la question : comment as-tu entendu le coming-out de François ? Voici ce qu’Agathe Bousquet, présidente de Publicis France (aussi membre de l’équipe fondatrice de Solidarité Sida en 1992) qui connaît François Bitouzet, aujourd’hui à la tête de VivaTech après avoir dirigé PublicisLive, depuis plus de 20 ans répond : “François n’a jamais fait son coming-out”. Depuis ses premiers jours de stage à l’agence, François a décidé de se sentir en confiance : il ne cache pas son orientation sexuelle. Si on lui pose des questions sur sa vie privée, il répond franchement. Il ne le dit pas dès qu’il rencontre une nouvelle personne. Il n’évite pas non plus le sujet. “Au hasard des conversations, l’information est tout de suite connue”, commente Agathe. Et d’ajouter : “c’est un coming-out continu, permanent”. 

“Après avoir souffert en silence durant mon adolescence et après avoir obtenu mon diplôme, j’ai pris la décision que je ne resterai pas dans le placard dans ma vie professionnelle”, explique François. Pour tenir cette promesse, il choisit les entreprises pour lesquelles il veut travailler en prenant en compte le critère : “est-ce que je vais être dans un environnement où je me sens bien, où je peux être qui je veux être ?”. À la fin des entretiens, il prend l’habitude de poser la question : “je suis gay, est-ce que vous pensez que je peux être heureux si je vous rejoins ?”

Corinne rappelle que le coming-out, c’est aussi une question de secteur d’activité. Il y a des environnements qui peuvent compter plus d’allié⋅es comme la communication ou la publicité comme il y des milieux professionnels qui peuvent “sanctionner” la carrière d’une personne out. 

Après le coming-out 

En tant que dirigeant⋅es, Corinne et François n’hésitent pas à communiquer sur leur homosexualité “pour libérer d’autres personnes que soi-même”, remarque Corinne. Très régulièrement, ils se demandent comment ils peuvent faire bouger les choses ? “En se positionnant sur les questions d’égalité, de diversité et d’inclusion”, suggère François.  Récemment, François Bitouzet a rappelé dans un post LinkedIn sa “fierté d’être out” en arborant un costume et chaussé de bottes roses pailletées.