Inclusion des LGBT+, un progrès pour toutes et tous

Inclusion des LGBT+, un progrès pour toutes et tous

Les mesures en faveur des personnes LGBT+ dans l’entreprise bénéficient, par ricochet, à un public bien plus large que cette seule cible.

Par Stéphanie Gatignol

« Ouais, d’accord, mais, pour moi, ça va rien changer… » « Franchement, à part les homos, qui ça va concerner ? « Décidément, tout est toujours fait pour les mêmes ! Et les autres, alors ? » L’adhésion des salariés à la politique d’inclusion de leur entreprise n’est jamais gagnée d’avance. Certains peuvent se sentir agacés, frustrés ou laissés sur la touche face aux avantages consentis à leurs collègues, peut-être parce qu’ils ignorent que les avancées en faveur de la diversité peuvent directement ou indirectement profiter à l’ensemble du personnel… Le dernier Webinar Têtu Connect en a fait la démonstration en s’intéressant aux progrès des droits LGBT+. Dont les retombées positives s’expriment bien au-delà de la communauté arc-en-ciel.

La culpabilité recule chez les pères

Depuis son poste de Directrice Diversité, Inclusion et Egalité des chances au sein du groupe Vivendi, Jaleh Bradea observe leurs effets concrets en matière de parentalité. Un terrain où « il y a encore quelques années, dit-elle tout ce qui relevait de l’enfant était du devoir de la maman ». Depuis, la société s’achemine vers plus d’équilibre, mais des freins demeurent : accepter qu’un collaborateur quitte une réunion pour emmener son gosse chez le médecin n’est pas forcément entré dans les mœurs.  Et les messieurs ne s’autorisent pas toujours à prendre leurs jours de congé de paternité légaux dont la durée a été portée à 28 jours, dont une semaine obligatoire 1er juillet 2021… L’homoparentalité, parce qu’elle conduit à penser différemment la structure familiale, participe à faire sauter les verrous. Car, dans un couple avec deux papas ou deux mamans, « ce n’est pas le père VERSUS la mère, mais le parent 2 AVEC le parent 1, explique Jaleh Bradea. Du coup, de façon détournée, l’homoparentalité a contribué à fluidifier, à déculpabiliser un peu la prise de congé du parent 2 ». Et qui dit père plus investi dans la vie du foyer dit à la fois bénéfice pour l’enfant et progrès de l’égalité professionnelle entre les sexes…   

Les LGBT + contribuent à changer la donne au sein des entreprises où « le courage n’était pas la valeur la plus partagée il y a encore quelque temps », Isabelle Pailleau

Quand le courage fait tâche d’huile

Chez AXA France où elle occupe la fonction de Directrice Diversité et Inclusion, Anne-Elise Chevillard est frappée par un autre impact tangible des conquêtes Queer. « Les prises de parole de collaborateurs ou de dirigeants LGBT+ donnent du courage ou de l’espoir à des collègues qui relèvent d’autres formes de la diversité. J’ai souvent des retours de personnes qui me disent : si untel s’est exprimé, je peux le faire moi aussi ! » Lorsqu’une lesbienne évoque naturellement son week-end avec femme et enfants, lorsqu’un gay reprend à la volée une blague homophobe, ils assument leur identité avec force, quitte à prendre des risques pour leur carrière.

Du coup, sans l’avoir prémédité, ils contribuent à changer la donne au sein des entreprises où « le courage n’était pas la valeur la plus partagée il y a encore quelque temps », relève la psychologue clinicienne Isabelle Pailleau. Spécialisée dans les questions de bien-être au travail, la professionnelle se félicite de voir cette qualité s’affirmer dans le cadre professionnel grâce à l’émergence de jeunes générations. Leur capacité à dire « non » à une situation qui leur déplait lui apparaît, entre autres, comme un moyen de faire reculer le management par la terreur. L’addition des courages est un rempart aux mauvaises pratiques. Et la force morale des LGBT+ qui sert d’exemple ou d’aiguillon, un atout pour le collectif.

Favoriser la prise de conscience

« Quand il y a une avancée pour une catégorie de personnes dans l’entreprise, il est évident que c’est une avancée pour tous, rebondit Isabelle Pailleau. Mais encore faut-il avoir les bonnes lunettes pour s’en rendre compte.» Dès lors, comment favoriser cette prise de conscience ? Comment faire comprendre à chaque employé que, non seulement les actions ciblées (en faveur des LGBT+, du handicap, des personnes racisées, des femmes etc.) ne lui enlèvent rien, mais qu’elles peuvent, même, lui être profitables ? D’abord en intégrant qu’un individu doit travailler sur ses peurs et ses blessures pour pouvoir être le plus ouvert possible. « Si je suis persuadé que mon collègue est là pour me piquer ma place, si je trouve injuste qu’il ait le droit de passer avant moi à la cantine parce qu’il est en fauteuil roulant, si je vis toujours les choses comme un manque ou comme quelque chose que l’on me prend, il me sera très difficile d’accueillir l’autre comme quelqu’un qui n’est pas un ennemi, mais qui est juste différent de moi », estime Isabelle Pailleau.

Jaleh Bradea se montre, néanmoins, optimiste. Certes, des réactions négatives s’expriment toujours quand tel ou tel groupe voit sa condition s’améliorer au sein  d’une boîte. « Mais, petit à petit, dit-elle, les choses sont en train de changer. » Face à ce réflexe « probablement humain » et qu’elle refuse de juger – « sinon comment parler d’altérité ? » -, elle souligne l’importance du rôle des responsables Inclusion et Diversité. « Notre travail est de faire en sorte qu’il y ait des passerelles entre les communautés et une compréhension sincère de l’autre ». Pour accompagner ces cadres dans leur tâche, des exemples palpables attestent, aujourd’hui, que les mesures en faveur de la diversité n’instaurent pas un système de privilèges. Mais qu’elles obéissent clairement à un pari collectif en mode « gagnant-gagnant ».