Aujourd’hui en France, près de la moitié des étudiants pensent que révéler son orientation sexuelle sur son lieu de travail est un désavantage pour l’avancement d’une carrière. Conscientes que l’inclusivité est un sujet de performance, les entreprises multiplient les actions en faveur d’une parole libérée, a l’instar de la mise en place de rôles modèles. A l’occasion de TÊTU Campus, quatre rôles modèles sont venus partager leur expérience. Si tous s’accordent à dire qu’être out en entreprise facilite grandement le quotidien, la visibilité au travail n’est pas toujours évidente.
Par Chloé Consigny
Qu’est-ce qu’un rôle modèle ?
Par sa visibilité au sein de l’entreprise, un rôle modèle est une personne dont la mission est de faciliter la parole des collaborateurs LGBT +. Jamais intrusif, un rôle modèle accompagne celles et ceux qui souhaitent devenir visible. Un rôle de mentor qui peut s’exercer à tous les niveaux hiérarchiques. C’est ainsi, par exemple que Guillaume de Saint-Seine, Global Co-Head of Coverage chez Natixis est également membre du Comité Exécutif du groupe. Sa position lui permet de faire remonter des sujets au plus haut niveau de l’établissement bancaire. Il est notamment le co-fondateur de All Equals, réseau LGBT + de Natixis. « Depuis les débuts du réseau, j’ai souhaité que All Equals soit une véritable main tendue à destination de toutes celles et de tous ceux qui souffrent dans leur environnement de travail. Étant en quelque sorte le parrain du réseau, j’ai senti que la parole était plus libérée à mon encontre. Par exemple, récemment, un de mes collègues m’a confié que son fils était en train de débuter sa transition. Par ailleurs, en étant présent au Comex, j’ai la possibilité de faire remonter les sujets et d’être le porte-parole de celles et ceux qui n’ont pas forcément accès au plus haut niveau hiérarchique de l’entreprise ».
De l’importance de l’investissement du top management
De fait, tous les invités présents lors de la table ronde de TÊTU Campus s’accordent sur l’importance de l’engagement du top management dans la stratégie de diversité et d’inclusion d’un groupe. « Je pense que les entreprises ont aujourd’hui un véritable rôle à jouer en choisissant leurs dirigeants. Il faut certes un dirigeant aux compétences opérationnelles solides, mais il doit également être doté de ce que nous appelons chez l’Oréal de compétences interpersonnelles », abonde Laurie Deyirmendjian, Directrice générale de Nyx Professional Make up, L’Oréal qui ajoute « avoir des dirigeants out permet ensuite d’ouvrir la voie aux jeunes talents qui débutent ». Reste que pour l’heure, les dirigeants out sont encore très rares au sein des grandes entreprises.
Les femmes peu présentes au sein des réseaux LGBT +
Ceci est particulièrement vrai pour les femmes homosexuelles qui restent invisibles aux plus hauts niveaux hierarchiques des entreprises. Comment expliquer ce décalage ? Chloé Caparros est Project Leader au sein du Boston Consulting Group.Elle est également membre de Pride@BCG et rôle modèle 2019 dans la catégorie Leader. Elle explique : « en 2015, j’étais la première femme au bureau de Paris à rejoindre le réseau LGBT +. A partir du moment où plusieurs femmes sont devenues visibles au sein de l’entreprise, nous avons assisté à plusieurs coming-out de la part de lesbiennes. Nous sommes désormais 20 femmes au sein du réseau LGBT + du cabinet. Peut-être y t-il un effet seuil qui permet de libérer la parole ». De fait, la présence de rôles modèles va permettre de mettre en confiance certains collaborateurs LGBT + qui, sans eux, n’auraient pas osé devenir visibles. Pourtant, des résistances persistent. Au sein de « France.tv pour tou.te.s », par exemple, il est difficile de trouver une femme homosexuelle pour co-présider l’association LGBT + « nous avons souhaité une parité homme-femme tant au sein des allié.es que des collaborateurs LGBT +. Force est de constater qu’il est très difficile de trouver une co-présidente pour notre association », constate Daniel Ielli, Rédacteur en chef, chargé de mission numérique France 3 Hauts-de-France et Cofondateur de France.tv pour tou.te.s, France.tv.
Quels bénéfices à être out ?
Si tous les collaborateurs ne souhaitent pas être out en entreprise, aucun de ceux qui ont franchi le cap ne regrette sa visibilité. « Une fois que j’ai fait mon coming-out tout a changé et rien n’a changé », se souvient Daniel Ielli qui explique « pour mes collègues, mon homosexualité n’a rien changé. En revanche, en ce qui me concerne, c’est seulement à partir de ce moment-là que je me suis senti en adéquation parfaite entre ma vie professionnelle et la personne que j’étais réellement dans ma vie personnelle ». Un constat largement partagé par les managers : « Exprimer qui on est vis-à-vis des autres, cela permet de tisser des liens authentiques », abonde Laurie Deyirmendjian. Au-delà de la qualité relationnelle au travail, l’inclusivité est également un fort enjeu de performance pour les entreprises : « Quand un collaborateur va au bureau le cœur léger il est plus efficace. Un collaborateur épanoui qui peut s’autoriser à être lui-même en entreprise est plus productif dans son travail et plus à l’aise au contact des clients », souligne Guillaume de Saint-Seine.
Jeunes talents, soyez exigeants !
Comment faire donc pour choisir son entreprise lorsque l’on est tout jeune candidat ? A cette question, un mot d’ordre : être exigeant ! « Les talents aujourd’hui sont rares et c’est encore plus vrai dans le secteur bancaire. Vous avez donc la possibilité de choisir votre entreprise. Pour ce faire, n’hésitez pas à rencontrer un maximum de collaborateurs. En banque, les candidats nous reprochent souvent de devoir passer une dizaine d’entretiens avant d’être embauchés. Je pense cependant que c’est une bonne chose. Cela permet d’avoir une mesure de la culture de l’entreprise. Aussi, n’hésitez pas à poser la même question à plusieurs personnes différentes, cela vous permettra de sentir l’ambiance générale de l’entreprise », conseille Guillaume de Saint-Seine. Et Daniel Ielli de conclure « votre diversité est votre valeur ajoutée. Un groupe tel que France.tv a besoin de recruter des talents à l’image de la société. La différence peut aussi se faire par la personne que vous êtes ».