« Trop de gens arrivent à la banque en cachant leur vie personnelle » Alexandre Maymat, Société Générale

« Trop de gens arrivent à la banque en cachant leur vie personnelle » Alexandre Maymat, Société Générale

Au sein du groupe Société Générale, il dirige une business unit de 2 000 personnes. Son coming-out professionnel a été l’occasion d’une véritable prise de conscience. Désormais, au quotidien, il s’engage à rendre son environnement de travail plus inclusif. Rencontre avec Alexandre Maymat, Responsable Global Transaction & Payment Services – Société Générale.

Par Chloé Consigny

Quelle est la situation en matière de diversité et d’inclusion au sein de l’industrie bancaire ?

Le secteur bancaire a mis du temps à comprendre l’importance de la diversité. Société Générale n’échappe pas à ce constat. Ce retard est sans doute le fruit d’un certain conservatisme visant notamment à placer des personnes issues des mêmes écoles ou des mêmes milieux sociaux aux postes de direction. Nous avançons aujourd’hui avec l’idée que la promotion de l’inclusion est un enjeu de performance et nous nous sommes dotés d’objectifs ambitieux en matière de parité, d’inclusion et de diversité. Il s’agit de défendre une culture d’entreprise qui permette à tout le monde d’être soi-même. En découle donc une politique de tolérance zéro envers les LGBTQI+phobies. Aujourd’hui encore, trop de gens arrivent à la banque avec un masque, c’est-à-dire en cachant ce qu’ils sont dans leur vie personnelle. Cela a un impact réel sur leur bien-être au travail ainsi que sur leur performance.

Vous avez-vous-même été dans cette situation ? 

Tout à fait. Mon coming out professionnel a fait suite à un long cheminement personnel. Je suis né dans une famille catholique et bourgeoise. La veille de sa mort du sida en 1994, mon frère, âgé de 24 ans, me confiait que son réconfort dans sa maladie était de savoir que je continuerais à perpétuer notre nom. Par la suite, j’ai épousé ma meilleure amie et nous avons eu quatre enfants. En 2017, j’ai fait mon coming out, d’abord auprès de mes enfants et de mes proches. J’ai épousé Franck. Mon coming-out professionnel a été plus progressif : durant près de quatre années, je me suis caché. Ayant intégré Société Générale en 2001, j’étais une parfaite caricature de l’élite à la française et du monde dominant : père de famille, hétérosexuel, diplômé de l’École Polytechnique et dirigeant. Changer cette posture n’a donc pas été évident. Durant quatre années, j’ai expérimenté ce que signifiait venir travailler en portant un masque. 

Quel a été le déclic ? A quel moment avez-vous choisi de devenir visible ? 

Début 2020, le réseau Pride & Allies, en lien avec la direction Inclusion & Diversité du groupe, a sollicité la direction générale pour une opération de « reverse mentoring ». Six mois durant, deux personnes du réseau rencontrent régulièrement deux personnes du Top Management afin d’échanger sur différentes thématiques. Je me suis porté volontaire. Le déclic est venu des échanges avec mes mentors qui m’ont fait comprendre qu’en qualité de dirigeant j’avais un rôle à jouer. Si venir travailler en cachant ma vie personnelle m’était difficile, qu’en était-il de mes équipes qui n’officiaient pas à des postes de direction ? J’ai donc décidé de prendre la parole dans une tribune LinkedIn le 17 mai, à l’occasion de la journée de l’IDAHOT (International Day Against Homophobia and Transphobia – Journée Internationale de lutte contre toutes les LGBTQIphobies, en français). 

Quelles ont été les réactions ? Quels sont les impacts de votre visibilité au sein de vos équipes ? 

Ma publication a été abondamment lue et partagée. J’ai reçu un soutien unanime de la part de la direction générale du groupe. C’est à mon sens un signe fort que ce sont des valeurs que le groupe souhaite embrasser. J’ai également reçu de nombreux messages de collègues qui m’ont dit que cette prise de parole allait les aider à faire tomber leurs propres barrières. Cette publication a été l’occasion de parler de diversité sous toutes ses formes au sein de la banque. Auprès de mes équipes, ma tribune a permis de faire tomber des barrières superficielles et non nécessaires. C’est finalement un message sur le droit à la vulnérabilité et le droit d’exprimer ce que l’on est sur son lieu de travail.

Quels sont les chantiers qui restent encore à mener ?

La lutte contre les discriminations en entreprise est un travail qui s’inscrit dans le long terme et qui passe par l’acceptation. En ce sens, les initiatives mises en place par le réseau Pride & Allié·es permettent de lutter contre l’ignorance qui est souvent à l’origine des propos LGBTQI+phobes. Il est indispensable que cette sensibilisation se propage à l’extérieur du siège de Société Générale et se diffuse à l’ensemble des territoires. Nous devons également aller plus loin dans l’accompagnement de toutes les formes de parentalités. Enfin, il reste à mon sens un travail important à mener sur la transidentité. Il faut que les personnes concernées puissent être accompagnées par le groupe de manière plus organisée et plus systématique. Œuvrer en faveur des droits LGBTQI+ ce n’est pas défendre un intérêt catégoriel. Au contraire, c’est travailler en faveur d’un plus haut niveau d’inclusion dans l’entreprise. Cela concerne l’ensemble des salarié·es du groupe.

Quid des collaborateurs et collaboratrices LGBTQI + qui travaillent dans des pays où l’homosexualité est réprimée ?

Nous restons dans le cadre légal. Néanmoins, la posture du groupe doit être la même dans l’ensemble de nos filiales : un principe de tolérance zéro envers toutes les formes de discriminations. Les personnes qui travaillent au sein de Société Générale doivent se sentir en sécurité au sein de l’entreprise, quel que soit le pays depuis lequel elles travaillent.