Six lectures pour un été inclusif

Six lectures pour un été inclusif

Avant de marquer une pause estivale, la rédaction de têtu•connect vous livre ses conseils de lecture. Des récits, des essais, des manifestes qui alimentent les réflexions de la rédaction autour des thématiques de l’homophobie, de l’inclusion des personnes LGBTQI+ au sein des entreprises, et plus largement de la société.

Par Chloé Consigny

Plonger dans les coulisses de l’Opéra national de Paris

En décembre 2016, Germain Louvet est nommé danseur étoile au ballet de l’Opéra national de Paris. Dans son récit autobiographique « des choses qui se dansent », il livre sa passion pour la danse et dévoile son parcours, depuis sa ville natale de Chalon-sur-Saône jusqu’aux plus grandes scènes internationales. Au-delà de son ascension, l’ouvrage propose une réflexion fournie sur les codes de l’institution. Loin de donner des leçons, le jeune danseur s’interroge sur le monde qui l’entoure. Si dans ce monde d’artistes de très haut niveau, l’homosexualité masculine ne semble pas poser de problèmes, les minorités, restent très largement sous représentées. Les hommes et les femmes qui au quotidien s’emploient à faire vivre l’Opéra national de Paris (personnel de ménage, restauration…) ne bénéficient pas des mêmes avantages sociaux que les salarié·es de l’institution. Si, sous l’impulsion de Benjamin Millepied (directeur de la danse entre 2014 et 2016) et des artistes, certains codes, tels que le « blackface » ont été supprimés, l’institution doit encore faire face à de nombreux défis. 

Des choses qui se dansent – Germain Louvet – Fayard

(Re)découvrir des grandes figures LGBTQI + 

Pour une plongée à la découverte ou à la redécouverte des grandes figures LGBTQI +, nous ne pouvons que recommander la lecture de « 40 LGBT + qui ont changé le monde ». Un livre signé de l’illustrateur Florent Manelli et reconnaissable à son style : des portraits sobrement dessinés au trait noir fin et entourés de décors ultracolorés. Un graphisme résolument warholien destiné à mettre la lumière sur ces hommes et ces femmes qui, à leur façon, ont fait avancer l’inclusion des personnes LGBTQI+. On y retrouve des portraits de militants, d’activistes, de sportifs, d’artistes et de politiques LGBTQI +, certains très connus du grand public, d’autres beaucoup plus confidentiels. Chaque portrait est accompagné d’une biographie. 

40 LGBT+ qui ont changé le monde – Tomes 1 & 2 – Florent Manelli – Éditions Lapin

S’interroger sur le monde de l’éducation

Les biais hétéronormés commencent dès le plus jeune âge. Dans son essai, intitulé « Hétéro, l’école ? » la sociologue canadienne Gabrielle Richard passe au crible une culture scolaire qui contribue à reconduire des normes de genre et de sexualité. En France, comme au Québec, elle révèle comment le milieu scolaire reste marqué par la culture dominante. Il n’est par exemple pas rare que les adultes agissent différemment avec les enfants en fonction de leur genre : encourageant les garçons téméraires dans la prise de risque, mais exhortant les filles du même âge à « faire attention ». Dans les cours de récréation, comme dans l’espace public, l’étude de la géographie des genres montre que filles et garçons fréquentent des espaces ségrégés. Les terrains de sports étant majoritairement réservés aux garçons, tandis que les filles se concentrent par petits groupes à proximité des bâtiments. Un essai important qui donne à voir ce qui est en face de nous : un modèle hétéro centré, considéré comme la norme. 

Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation antioppressive à la sexualité – Gabrielle Richard – les éditions du remue-ménage

Questionner les structures masculines sur fond de lutte syndicale

Le jeune auteur queer québécois Kevin Lambert dynamite la lutte des classes dans ce roman aussi glacial par le climat qu’il décrit que brûlant dans les scènes intimes qu’il fait vivre à ses protagonistes. Querelle, c’est le prénom de ce jeune homme ingénu à première vue qui se retrouve pris au milieu d’une lutte sociale intense dans une petite ville déclassée du Québec. Dans un style tranchant et souvent brillant, il secoue son lecteur tout en l’interrogeant sur les inégalités sociales et de genre, le sexisme, la misogynie et la dureté du monde du travail. Un roman à ne pas mettre entre toutes les mains, mais pour celles et ceux qui s’y frotteront, c’est une claque dont on se souvient longtemps. 

Querelle, Kevin Lambert, le Nouvel Attila

Revisiter les classiques

Sorti en 2014, le roman autobiographique d’Edouard Louis, « en finir avec Eddy Bellegueule » est rapidement devenu un classique. Un roman puissant et douloureux qui retrace le parcours du jeune auteur depuis la Picardie, sur fond de misère sociale et d’alcoolisme. Un endroit où le rejet de l’homosexualité est légion, à l’intérieur comme à l’extérieur du cercle familial. Insultes, violences, humiliations, rien n’est épargné au jeune adulte qui ne se soumet pas à la norme. Un rejet qui poussera l’auteur à fuir : « Je suis parti en courant, tout à coup. Juste le temps d’entendre ma mère dire Qu’est-ce qui fait le débile là ? (…) En vérité, l’insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n’a été que seconde. Car avant de m’insurger contre le monde de mon enfance, c’est le monde de mon enfance qui s’est insurgé contre moi ». Un roman sombre et nécessaire. 

En finir avec Eddy Bellegueule – Edouard Louis – Seuil 

Retourner à Reims et s’interroger

Dès les premiers pages de son roman « en finir avec Eddy Bellegueule », Edouard Louis dédie son livre au sociologue Didier Eribon, auteur de « retour à Reims », roman autobiographique paru en 2009. Il y a de fait des similitudes entre le parcours des deux hommes. Reproduction sociale, transfuges de classes et réflexions sur la question gay, sont autant de thèmes qui animent les deux romans. A la mort de son père, l’auteur entreprend un retour auprès de sa mère et une plongée dans l’histoire familiale. Au-delà de l’histoire individuelle, c’est une réflexion plus profonde qu’entreprend le sociologue autour des déterminismes collectifs et de la multiplicité des formes de domination. Un roman puissant qui donne matière à réfléchir. 

Retour à Reims – Didier Eribon – Fayard