Rencontres Queer à la machine à café

Rencontres Queer à la machine à café

Petit à petit, les entreprises, soucieuses de leur marque employeur, s’ouvrent à une diversité d’identités de genre et d’orientations sexuelles. Malgré ces avancées, elles peinent à comprendre la culture queer et ses implications. Explications en 4 questions.

Par Léa Taïeb

1. D’où vient le terme queer ? 

En anglais, “queer” se traduit par étrange, inadapté, tordu. Au 19ème siècle, ce terme sert à stigmatiser, discriminer, dévaloriser les personnes homosexuelles. Dans les années 1990, le mot se réinvente : des militant.e.s LGBT le transforment pour en faire quelque chose d’empouvoirant. Toutes et tous s’affranchissent de la binarité des genres (masculin vs. féminin), de l’hétéronormativité et du patriarcat. 

2. Comment pourrait se définir une personne queer ? 

D’une personne à une autre, la définition évolue. Il peut s’agir d’une personne qui fait partie de la communauté LGBT et/ ou d’une personne qui ne se retrouve ni dans la cisnormativité (la norme cisgenre), ni dans la binarité des genres. 

Une personne queer peut se ressentir transgenre (s’identifie au genre “opposé”), agenre (ne s’identifie ni au genre féminin, ni au masculin), bigenre (à la fois du féminin et du masculin) ou encore gender fluid (appartenant parfois au genre féminin, parfois au genre masculin). Pour être en phase avec elle-même, elle peut décider de transitionner de genre, c’est-à-dire, se rapprocher de l’identité de genre à laquelle elle se sent appartenir. 

Pour information, 13% des Français ayant entre 18 et 30 ans se déclarent non binaires (donc, queer), d’après un sondage OpinionWay et 20 Minutes. 

3. Qu’est-ce qu’une microagression du point de vue d’une personne queer ? 

Plusieurs situations anodines pour une personne cisgenre et hétérosexuelle peuvent être considérées comme des situations ambarrassantes, déplaisantes voire violentes par des personnes qui se revendiquent queer. 

Comme écrit ci-dessus, certaines personnes queer ne se reconnaissent pas dans les normes des genre. Par conséquent, elles peuvent inciter leur entourage à utiliser un langage ouvert et un pronom neutre tel que “iel” pour les désigner (et non plus “elle” ou “il”). Dans ce contexte, il arrive que certain.e.s collègues ou supérieur.e.s mégenrent, désignent par la “mauvaise” identité de genre. Ces maladresses peuvent porter atteinte à l’intégration d’une personne queer dans une entreprise. 

“Un dresscode très genré peut être interprété comme un déni de leur non binarité”, ajoute Flore Amposta-Brunel, consultante en égalité et prévention des risques.

Une personne queer – dont l’identité de genre assignée à la naissance est féminine –  qui a l’obligation de porter une jupe dans le cadre de son activité professionnelle peut ressentir un malaise. Même chose pour un.e salarié.e queer – dont l’identité de genre assignée à la naissance est masculine – qui n’a pas le droit de se maquiller, de se vernir les doigts des mains ou de porter des bijoux apparents sur son lieu de travail. 

Ces personnes – qui ne se sentent ni homme, ni femme – ne savent pas non plus dans quelles toilettes elles peuvent aller. “L’absence de toilettes non genrées peut rappeler à quel point la communauté queer n’est pas prise en compte en entreprise, à quel point le monde du travail n’est pas assez inclusif”, remarque la consultante.  

4. Quels dispostifs les entreprises peuvent-elles mettre en place pour faciliter l’intégration des personnes queer ? 

  • Elles peuvent adopter le genre neutre. Si de plus en plus d’entreprises adoptent l’écriture inclusive dans leur communication (interne comme externe), la plupart de leurs documents administratifs n’a pas été actualisée. Aujourd’hui encore, seuls les genres féminins et masculins sont représentés au détriment du genre neutre. “Les entreprises ont tout intérêt à concevoir des documents qui s’adressent à tout le monde, qui ne sont plus excluants”, informe Flore Amposta-Brunel. 
  • Elles peuvent faciliter les démarches administratives des personnes queer. Les salarié.e.s qui désirent changer de nom – passer d’un deadname (le prénom porté avant leur transition de genre) à un prénom correspondant à leur “nouvelle” identité de genre – s’engagent dans des démarches administratives longues et périlleuses. “Être nié dans son identité et se faire appeler par un prénom qui n’est pas le sien est une violence. Évidemment cela ne facilite pas l’épanouissement en entreprise !”, rappelle la consultante. 
  • Elles peuvent prendre des mesures concrètes pour lutter contre les violences de genre en plus de la signature d’une charte. Les organisations peuvent prévoir des formations pour sensibiliser à l’identité queer, visibiliser le témoignages des rôles modèles et sanctionner les personnes à l’origine de discriminations. “Il est nécessaire de privilégier le bien être des salarié.e.s queer pour qu’elles restent et se réalisent dans leur travail”, alerte-t-elle. 

Pour rappel, seules 163 organisations sont signataires de la Charte d’Engagement LGBT+ de L’Autre Cercle 2021.