Nombreuses sont les entreprises à surfer sur la vague arc-en-ciel. Avec des jeunes de plus en plus engagés en faveur de l’inclusion, les marques n’hésitent plus à s’afficher LGBTQI + friendly à grands coups de campagnes marketing. Véritable engagement ou simple affichage ? A l’occasion du webinaire TÊTU Connect, diffusé en ligne le 16 décembre 2021, Amélie Watelet, Directrice des Ressources Humaines d’AXA France et Geoffroy Seghetti, VP marketing et communication, Western Europe chez Mastercard ont partagé leurs expériences.
Par Chloé Consigny
Si les marques aiment s’afficher en faveur de la diversité, rares sont celles qui font le choix de mettre en scène des représentations autres qu’hétéro-normées dans leurs campagnes publicitaires. En 2021 cependant, une marque a choisi de communiquer différemment. Il s’agit du spécialiste des solutions de paiement Mastercard, qui, dans un spot publicitaire de 80 secondes, s’adresse directement aux LGBTQI + et termine avec la signature #AcceptanceMatters. La campagne dévoile la fonctionnalité « True Name », qui permet désormais à chacune et chacun de choisir le nom qu’il ou elle souhaite voir apparaitre sur sa carte bancaire. Le genre n’est désormais plus affiché. Un changement de paradigme majeur pour les personnes transgenres et non binaires notamment qui peuvent désormais apparaitre sur leur carte bancaire telle que dans leur quotidien.
S’engager au travers d’actions concrètes
Pour le géant américain des systèmes de paiements, le lancement de la carte bancaire « True Name » signe le passage vers un engagement à un impact. « Depuis longtemps, nous sommes engagés sur les sujets LGBT + que ce soit sous la forme d’opérations de sponsoring ou de partenariats. Avec cette campagne, nous passons du rôle d’allié sponsor à celui d’allié à impacts », explique Geoffroy Seghetti, VP marketing et communication, Western Europe chez Mastercardqui détaille : « La réflexion a démarré en 2019, d’abord aux États-Unis autour d’une question : comment pouvons-nous faciliter le quotidien des personnes LGBTQI + ? En effet, nous connaissions les problématiques des parcours de transition, ainsi que les problèmes de se voir assigner un genre pour les personnes non binaires. Nous avons donc regardé les textes règlementaires : rien ne nous empêche de proposer que le prénom et la civilité soient à la libre détermination des usagers. En effet, la carte bancaire n’est pas un titre d’identité ».
Un chemin encore à parcourir
A noter cependant, tous les établissements bancaires n’ont pas encore franchi le cap et la plupart des banques fonctionnent encore sur le modèle Monsieur / Madame. Mastercard, en tant que fournisseur de solutions de paiements, a choisi d’opérer en deux temps en Europe, en annonçant la disponibilité de « True Name » auprès de ses partenaires européens un an avant son lancement. Pour l’heure, Mastercard est en discussion avec certains de ces partenaires bancaires pour la mise en place de cette fonctionnalité. Le premier partenaire qui a choisi d’utiliser la fonctionnalité « True Name » est la néo-banque néerlandaise Bunq. Quid des autres partenaires de Mastercard ? « L’intérêt d’avoir annoncé en amont la disponibilité de cette fonction a permis à certains établissements de se poser la question. Cela a accéléré la prise de conscience et nous avons été surpris d’avoir des remontées positives, notamment en provenance de certaines régions d’Europe qui ne sont pas nécessairement réputées pour être les plus LGBTQI + friendly. La France, en revanche, est un pays plus compliqué. A mon sens, cela s’explique par une méconnaissance des notions de transidentité et de non-binarité. Et il y a parfois un peu de gêne », analyse Geoffroy Seghetti.
De l’interne à l’externe et inversement
Reste que pour les deux ambassadeurs de grands groupes présents à l’occasion du webinaire TÊTU Connect, la question n’est pas de savoir si ce changement de paradigme aura lieu, mais à quel moment. La société, portée par les plus jeunes générations, évolue vers une exigeante forte d’engagement des entreprises en faveur de l’inclusion. L’enjeu est double : à la fois à l’externe, afin de proposer des produits et services à l’image de la société, mais également en interne, afin de retenir les talents. Pour ce faire, impossible de se cantonner à faire du saupoudrage marketing. « Je reste convaincue qu’au-delà d’un discours cohérent, il est essentiel de mettre en place des actions concrètes », explique Amélie Watelet, Directrice des Ressources Humaines d’AXA France qui ajoute : « A sa manière, AXA a beaucoup évolué dans sa façon de parler à ses clients. Par exemple, pour l’assurance emprunteur, nous avons fait une campagne qui ne met pas en avant un couple hétérosexuel. En interne, AXA a été précurseur pour les congés parentaux d’accueil d’enfant. Nous évaluons notre niveau d’inclusion auprès de nos collaborateurs au travers de l’ « inclusion survey ». A l’automne dernier, tous nos collaborateurs ont été invités à s’exprimer anonymement. Chez AXA France, il apparait que neuf collaborateurs sur dix s’estiment reconnus dans l’entreprise. C’est là le signe qu’il n’y a pas de pinkwashing. Ainsi, lorsque de nouveaux collaborateurs nous rejoignent, ils constatent très rapidement que nous ne nous contentons pas de grandes déclarations. A aucun moment, nous ne tolérons la moindre discrimination. Ces différentes actions nous ont permis d’avancer en impact et en authenticité ».
Quels outils de mesure pour le pinkwashing ?
Est-il possible de mesurer le degré d’inclusion des entreprises. Pour l’heure, il n’existe pas de baromètre de pinkwashing. Il existe néanmoins des associations qui réalisent des opérations de tests à l’aveugle. Enfin, des études effectuent un ranking des entreprises les plus inclusives pour les personnes LGBT +. Si une entreprise qui communique beaucoup sur les LGBTQI + ne se trouve pas dans le ranking, c’est peut-être là un signe de pinkwashing.