Parentalités queer en entreprise

Parentalités queer en entreprise

La parentalité est loin d’être un sujet anecdotique. Selon le dernier baromètre Out@Work, réalisé par le cabinet de conseil BCG en partenariat avec têtu•, 65 % des personnes LGBTQI + évoluant en entreprise sont parents ou envisagent de le devenir. Le monde du travail ne semble pas tout à fait prêt. 

Par Chloé Consigny

Discrétion. Tel semble être le mot d’ordre des parents LGBTQI+ en entreprise. « Pour mes collègues, j’étais mère parce que j’avais porté l’enfant », explique Mélanie. Il lui faudra cependant du temps pour évoquer le second parent de ses enfants auprès de ses collègues. Au moment de son congé maternité, elle rend visite à ses collègues avec son enfant. Elle se souvient : « des collègues, dont je n’étais pas spécialement proche, m’ont posé des questions sur le père. J’ai répondu que mon fils avait deux mamans. Il y a eu un silence, suivi de beaucoup de questions. C’était de la curiosité, mais pas forcément malsaine ». L’histoire de Mélanie est loin d’être un cas isolé. Selon le baromètre – 2025 BCG Out@Work, 32 % des parents LGBT évitent le sujet en entreprise par peur de la stigmatisation ou par crainte de susciter la polémique (26 %). Pire, 21 % des parents LGBTQI + ont connu des difficultés à faire reconnaître légalement leur parentalité en entreprise et 16 % d’entre eux ont choisi de ne pas demander de congé paternité ou maternité.

Parents d’intention vs. Parents biologiques

En France, la loi de bioéthique de 2021 ouvre la Procréation médicalement Assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de lesbiennes. Si dans la plupart des entreprises, la femme non porteuse peut prétendre à des jours de congés pour accompagner sa conjointe dans les démarches PMA, rares sont celles qui usent de ce droit. « Impossible de savoir par avance à quelle date sera réalisée l’implantation. Nous avons donc simplement dit que nous étions malades le jour J et nous ne nous sommes pas présentées au travail », se souvient Mélanie, dont le premier enfant est né avant 2021. Le sujet se corse davantage encore lorsqu’il s’agit de GPA. Interdits en France, les parcours GPA sont assortis de longs voyages à l’étranger. « La naissance était prévue pour le 3 août et le bébé est arrivé le 22 juin. J’avais prévenu ma hiérarchie et mes équipes que je pouvais partir à tout moment », se souvient Florent, père d’un enfant né par GPA en 2024. Si l’entreprise se cantonne aux textes de loi, le second parent, non reconnu administrativement, n’est pas éligible aux congés dits « paternité » et « maternité ». Dans une situation de GPA et parfois de PMA (sans déclaration préalable devant notaire), l’enfant qui naît n’est pas immédiatement considéré comme l’enfant du second parent. Il faut des semaines, voire des mois, avant que l’administration ne reconnaisse le lien de parentalité, qui passe par une adoption dans le cas de la GPA. Résultat : faute d’information au sein de leur entreprise, les jeunes parents LGBT préfèrent passer leur nouvelle parentalité sous silence.

Marque employeur

Un silence délétère pour les personnes concernées, mais également pour l’entreprise qui perd l’engagement d’un·e salarié·e préoccupé·e par la meilleure manière de cacher sa situation. C’est un sujet de bien-être au travail, mais également d’attractivité et de rétention des talents. Dans ce contexte, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre en place des accords de parentalité, à destination de toutes les familles. « Pour que la politique parentalité d’une entreprise soit la plus inclusive possible, il faut qu’elle soit ouverte à tous et toutes et ceci indépendamment du statut administratif du second parent », explique Caroline Garnier, DRH France et Maroc, SAP. 

Les grands groupes sont aujourd’hui nombreux à aller au-delà de ce que la loi prévoit. L’Oréal et Sanofi, par exemple, ont mis en place un congé de 14 semaines rémunéré pour tous les parents d’intention. Société Générale, LVMH et SAP France ont également pris des engagements en ce sens. Si ces dispositifs sont déjà une réalité, encore faut-il que les personnes concernées soient au fait des initiatives mises en place par leur employeur. « Nous avons posé la question aux membres du réseau PRIDE en interne : avez-vous essuyé un refus quant aux jours d’absence pour des sujets parentalités ? La réponse a été non. Non, tout simplement car ces personnes n’ont pas demandé leurs droits, pensant qu’il n’y en avait pas », nous confie la responsable diversité et inclusion d’un grand groupe. 

Nombreux impensés 

Si la prise en compte de toutes les parentalités progresse en entreprise, il subsiste néanmoins d’importants trous dans la raquette. À commencer par le retour des jeunes parents dans l’entreprise. Père d’un enfant né par GPA, Florent a bénéficié d’un congé d’accueil de l’enfant de dix semaines. Également responsable RH au sein de son entreprise, son congé paternité l’a amené à s’interroger. : « je pense qu’il faudrait se poser la question de l’onboarding des jeunes parents. Se remettre au travail après une naissance: c’est tout sauf évident ! Étant donné la complexité des modes de garde en France et les soins que requièrent un nourrisson, je pense qu’il faudrait imposer un temps partiel durant trois mois ». 

Autre impensé majeur qui concerne tant les hétérosexuels que les homosexuels : le deuil périnatal. Les responsables RH qui n’y ont jamais été confronté confondent régulièrement IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) et IMG (Interruption Médicale de Grossesse, également appelée « avortement thérapeutique »). Si l’IVG et les fausses couches sont désormais couvertes par le droit et donnent lieu à un arrêt de travail sans délai de carence, il a fallu attendre l’été dernier pour que le législateur s’empare de l’IMG. 

Peu, voire aucune entreprise n’a mis en place de dispositif d’accompagnement spécifique. Comme très souvent en la matière, c’est le cas zéro qui ouvre les vannes et permet de penser le sujet, très souvent avec fracas.