« La scène ballroom m’a permis d’être avec des personnes qui me ressemblaient et qui n’avaient pas peur d’être elles-mêmes » Stencia Yambogaza, danseuse

« La scène ballroom m’a permis d’être avec des personnes qui me ressemblaient et qui n’avaient pas peur d’être elles-mêmes » Stencia Yambogaza, danseuse

Des soirées Pulse (anciennement P3) à l’instamédia Beautiful Pendere, Stencia Yambogaza a l’art de créer de nouveaux espaces pour permettre aux personnes racisées et queers racisées de s’exprimer. Rencontre.

Par Marie Roy

Présenter Stencia Yambogaza en quelques lignes relève de la mission quasi-impossible. La trentenaire, danseuse professionnelle, multiplie les casquettes comme autant de combats qu’elle livre au quotidien. Mais l’engagement qu’elle semble porter le plus haut est celui de créer de nouveaux espaces pour les personnes racisées et queers racisées. 

La découverte de la danse à 18 ans

Tout débute par la danse que Stencia commence à 18 ans, à Lyon. À l’époque, la jeune femme suit des études de communication. « Mon projet était d’ouvrir une agence », confie-t-elle d’un ton amusé. Mais la découverte de la danse vient faire voler en éclat son projet professionnel et Stencia opère un virage à 180 degrés pour devenir danseuse professionnelle. « La danse est arrivée dans ma vie comme un appel, j’ai senti qu’il fallait que j’y aille, que je le fasse ». Alors, la Lyonnaise monte à Paris et s’inscrit dans un studio de danse. « La danse m’a permis de m’ouvrir, de me découvrir au fur et à mesure du temps, d’avoir un lien différent à moi en tant que femme, parce que forcément, on utilise son corps et ce rapport au corps n’est pas le même », explique-t-elle. 

Stencia finit par réaliser son rêve et devient danseuse professionnelle. Elle a, entre autres, dansé dans le spectacle Starmania et dans la pièce BabyDoll, montée avec la philharmonie de Paris et où elle avait le premier rôle. Actuellement, elle travaille un solo. 

Mais un autre appel, sous forme d’une rencontre, a retenti, donnant encore une nouvelle direction à la vie de Stencia, via la découverte de la scène Ballroom. « À l’époque, en 2017, je marchais dans la rue et une femme m’a arrêté et m’a dit « tu seras ma fille ». Et c’est exactement ce qui est arrivé. » Car cette femme n’est autre qu’une légende du Runway, l’une des catégories qui consiste à reprendre l’esthétique et la marche des mannequins et des podiums des années 90. 

Ainsi, la jeune femme entre dans le monde de la ballroom. « C’était la première fois que je me retrouvais dans un espace où je me sentais moi. Et où surtout, j’étais avec des personnes qui me ressemblaient et qui n’avaient pas peur de qui elles étaient. Évoluer dans un espace avec des personnes qui partagent nos combats, c’est hyper précieux », raconte la danseuse. 

Aujourd’hui, la trentenaire appartient à la House of Gucci dont les mothers sont Kiddy Smile et Mother Nikki sans oublier le father Alvaro. Avec du recul, Stencia estime que c’est son arrivée dans la communauté voguing qui lui a permis de se découvrir. « Parce que je pense que j’ai toujours su, mais que j’ai mis du temps à reconnaître et à m’avouer que j’aimais les femmes. Je pense que sans ça et sans cette grande représentation positive des personnes queers, noires, j’aurai eu beaucoup de mal à m’affirmer ». 

Les soirées Pulse et l’instamédia Beautiful Pendere

Et une fois que Stencia a pu s’exprimer dans cet espace, l’envie d’en créer de nouveau s’est imposée à elle. Ainsi, elle crée les soirées Pulse (anciennement P3), dont la plupart sont hébergées au Pamela club et plus ponctuellement, à la Machine du Moulin Rouge. « Le but de ces soirées est de créer plus d’espace pour les femmes, pour les personnes queers, notamment les personnes queers racisées, à défaut de ne pas en avoir assez.» 

Et comme si Stencia avait été frustrée d’avoir été longtemps privée de ces espaces où s’exprimer pleinement, elle décide d’investir d’autres formats : les réseaux sociaux, avec l’instamédia Beautiful Pendere fondé en 2021. 

« Pendere, ça veut dire « beau », en sango, dans la langue du pays dont je suis originaire, la République centrafricaine », relève Stencia. Elle explique le but de ce compte : « C’était l’idée de créer un média sur lequel il n’y a que des personnes racisées et queers racisées et qui ne s’excusent pas de raconter leurs histoires. Pour moi, l’objectif, c’était vraiment de donner la parole à des personnes que l’on n’entend pas. » 

Pour la danseuse, les médias manquent de diversité et d’inclusivité, notamment pour les personnes racisées : « Il y a trop peu de représentations ou alors c’est toujours le même type de représentations. Ça ne nous laisse pas le choix que d’être nos propres représentations et de créer des choses par nous et pour nous », lance-t-elle d’une voix ferme. 

Une émission de radio sur le thème de la santé mentale

Ainsi sur le compte Beautiful Pendere, Stencia aborde des thèmes aussi divers que « Etre queer et avoir la foi : c’est possible ? », « Coming out : pourquoi est-ce difficile de le faire au sein des communautés afro ?». Et, depuis récemment, la danseuse consacre beaucoup de posts à la santé mentale. 

« J’ai moi-même fait un burn out il y a peu de temps et je me suis rendue compte que c’était un sujet que l’on n’abordait que très peu dans les communautés afro descendantes ». Ni une ni deux, la jeune lance une émission sur le sujet, pour la radio Rinse. Des émissions qui devraient reprendre dès le mois de janvier. Par ailleurs, la danseuse a décidé de faire des interventions en entreprises sur la question de la santé mentale, dès 2024. 

Ecouter ici Mental Health Radio par Stencia