Le coming out day :  une journée pour célébrer les visibilités individuelles

Le coming out day :  une journée pour célébrer les visibilités individuelles

À la différence du mois des fiertés, la journée du 11 octobre (journée mondiale du coming out) célèbre les visibilités individuelles. Antoine SERVEL, Maître de conférences en civilisation et Guillaume Marche, professeur de civilisation des États-Unis à l’Université Paris-Est Créteil nous expliquent. 

Par Chloé Consigny 

Quelle est l’origine de la journée internationale du Coming Out ? 

Guillaume Marche : La première Marche du 11 octobre 1987 s’est tenue en référence à la Marche de 1963 menée par Martin Luther King pour les droits civiques des afro-américain·es. En mémoire de cette Marche, 200 000 personnes se réunissent à Washington. Ce qui est important, c’est de constater que cette journée est née avec le même mode opératoire que d’autres dates du calendrier LGBTQI+. Il s’agit d’une commémoration. L’idée est de faire nombre dans un contexte politique particulier : celui de la fin du second mandat de Donal Reagan, un président qui est particulièrement silencieux face aux ravages de l’épidémie du SIDA. Sortir du placard est alors un acte militant avec pour objectif de faire face à l’inaction des pouvoirs publics fédéraux. 

Cette journée est-elle célébrée en France ? 

Guillaume Marche : En France, il n’existe pas de journée de célébration en tant que telle. Cette journée est célébrée essentiellement dans le monde associatif et, dans une moindre mesure, dans le monde de l’entreprise. Elle est destinée à visibiliser les personnes queer. Il est important à mon sens de faire une distinction entre la Marche des Fiertés, qui est une célébration collective et le coming out day qui célèbre la visibilité individuelle dans différents contextes : familles, sport, entreprise…

Quelle est la part des lesbiennes, des bisexuelles et des personnes trans dans les luttes en faveur des droits LGBTQI + ? 

Guillaume Marche : Il y a un mouvement de balancier entre les gays et les lesbiennes qui font souvent cause commune. Dans la lutte contre le SIDA, les lesbiennes sont à l’avant-poste. Elles sont soignantes, infirmières et prennent soin des hommes contaminés. Néanmoins, la visibilité lesbienne reste inégale au regard de la visibilité des hommes gays. Historiquement, les canaux de l’oppression s’exerçaient contre les hommes homosexuels et non contre les femmes. Dans les années 1990, Act ’Up avait pour slogan « les gouines baisent aussi ». Ce slogan pointait du doigt le déni de la sexualité féminine qui, encore aujourd’hui, est à l’œuvre. La structure patriarcale de la société invisibilise les femmes. Et c’est encore plus fort pour les lesbiennes qui sont à l’intersection de plusieurs discriminations.

Antoine Servel : Les bisexuel·les sont oublié·es de toutes les luttes. Cela est lié à un stéréotype : ces personnes n’existent pas. Pour les personnes trans, c’est beaucoup plus récent. Il faut bien avoir à l’esprit que dans les années 1980 aux Etats-Unis, le mouvement gay est surtout porté par des hommes blancs et cisgenres. La Gay Activist Alliance efface les personnes marginalisées pour faire rentrer les homosexuels dans une norme sociétale. Enfin, à cette époque, les homosexuels souhaitent se débarrasser des stéréotypes qu’on leur accole. Ils réaffirment donc leur masculinité. 

En entreprise, le coming out trans reste souvent mal compris. Pour quelles raisons ? 

Antoine Servel : Avant toute chose, il est important de souligner qu’un coming out à un coût. Une personne précaire a beaucoup plus à perdre en faisant son coming out qu’une personne qui évolue dans de hautes fonctions et au sein d’une entreprise engagée. Cependant, même au plus haut niveau de l’entreprise, un coming out peut être risqué. Aujourd’hui, les coming out lesbiens, homosexuels et bisexuels posent peu de problèmes dans les organisations. En revanche, le mouvement trans semble plus neuf pour le grand public. Nous sommes en train d’expérimenter les mêmes rejets qui étaient à l’œuvre avec les homosexuels dans les années 1980. Les hommes gays étaient assimilés à des pédophiles. Désormais, ce sont les personnes trans qui sont assimilées à des agresseurs. La preuve est flagrante lorsqu’il s’agit de partager un vestiaire ou des toilettes entre femmes cis et femmes trans.