En France, les lesbiennes dirigeantes et visibles sont rares. Corinne Calendini, Directrice Générale AXA Vie Individuelle et membre du Comité Exécutif d’AXA France, nous parle de son expérience.
Par Chloé Consigny
C’était en 2021. Un moment rare dans la vie d’une dirigeante. À l’occasion d’un événement Mix’IN, le réseau interne du groupe dédié à la promotion de la mixité au sein d’AXA en France, Corinne Calendini prend la parole. « Je vivais dissociée. J’avais fait mon coming out auprès de ma famille deux ans auparavant. Je savais qu’AXA était une entreprise inclusive et pourtant, j’étais incapable de dire qui j’étais », se souvient-elle. Une position d’autant plus délicate qu’elle est alors co-présidente du réseau. Ce jour-là, elle décide de mettre fin à son silence, non sans peur. « Quand j’ai compris que 2000 personnes étaient connectées, y compris des membres du Comex, j’ai eu envie de partir en courant », se souvient-elle. Elle prend néanmoins le micro : « je n’ai pas parlé de ma vie personnelle, j’ai simplement parlé de mes peurs. Celle de me couper de mes équipes notamment ».
C’est à partir de ce moment que, pour elle, « tout change, mais rien ne change ». Elle ne reçoit ni rejet, ni homophobie, mais des milliers de messages. « Notamment de la part de femmes. Certaines mentionnent leur handicap invisible, d’autres sont musulmanes, d’autres encore parlent de grossophobie. Toutes, me disent merci ». À titre personnel, cette prise de parole marque le début d’une vie professionnelle plus alignée. « C’est essentiel. En cachant une partie de moi-même, je ne pouvais pas exprimer pleinement mon leadership. J’ai également conscience du rôle modélisant de mon coming out. Une dirigeante visible participe à créer un safe place pour les autres ». Une conversation, récemment échangée à la machine à café, lui donne la mesure du chemin parcouru. « Une collaboratrice m’a simplement mentionné son organisation familiale avec sa femme et ses enfants. Je me suis dit que, oui, nous avions beaucoup progressé ».
Avec le recul, elle regrette même d’avoir attendu deux années avant de prendre la parole en entreprise. « Il y a une culture d’entreprise chez AXA aujourd’hui portée par ses dirigeant·es, mais longtemps insufflée par son créateur Claude Bébéar qui, en 2004, a été l’un des 3 rédacteurs de la Charte de la diversité ». Et d’ajouter : « Toute entreprise à un rôle sociétal. J’en suis absolument convaincue. L’entreprise a pour fonction de créer de bons produits et de réaliser des profits. Néanmoins, la base de l’entreprise, c’est d’abord de faire quelque chose ensemble ». Dans ce faire ensemble, elle reste convaincue du rôle fondamental d’un réseau qui rassemble toutes les diversités.
Hors des cases
La vie des gens la fascine. La matière qui est la sienne : Épargne – Retraite – Prévoyance la passionne. « L’assurance c’est réellement passionnant. Parce qu’un assureur est au cœur de la vie des gens », explique-t-elle. Des gens divers, à l’image de la société. Elle est fière d’avoir participé à faire évoluer les contrats d’assurance habitation pour y inclure une solution de relogement d’urgence des victimes de violence conjugale. Elle prend également part aux campagnes publicitaires, à l’instar de celle de 2023 qui met en scène toutes sortes de familles, parmi lesquelles le couple formé par Victoire et Gabriella, deux pâtissières ayant participé à l’émission Le meilleur pâtissier sur M6.
En ces temps de recul sur les sujets D&I, AXA France poursuit son chemin. « Nous n’allons pas changer de cap parce que l’environnement bouge », assure-t-elle. À titre personnel, l’inquiétude est néanmoins palpable. Elle vient d’épouser sa compagne. « Parce que je ne sais pas si nous aurons encore le droit à l’avenir », explique-t-elle. Et d’ajouter « je ne veux pas y croire, mais je sais que tout est possible ».
Attentive aux hommes et aux femmes qui l’entourent, pas une journée ne se passe sans qu’elle ne noircisse des carnets. « À l’école, je détestais les dissertations parce que l’on se concentrait sur la structure bien plus que sur le fond et pourtant j’adorais écrire. Ma prof de français me disait que j’étais nulle et je me suis orientée vers une filière scientifique ». Ses carnets, elle les fera lire à ses proches lors du premier confinement. En naîtra son premier roman, “Wallsburg”, publié en 2021. Une histoire d’amour … hétérosexuelle. « Et pourquoi pas ? J’aurais pu écrire un livre sur la finance, sur l’optimisation fiscale ou encore sur le management. Mais je crois que je déteste être là où l’on m’attend. Et je suis par ailleurs convaincue que le leadership s’incarne bien plus qu’il ne se décrète ». Elle planche aujourd’hui sur un nouveau roman, une histoire queer cette fois.