“Il y a encore trop peu de fondateurs et fondatrices de start-up out dans la tech”, Soraya Jaber, CEO d’Opuscope

<strong>“Il y a encore trop peu de fondateurs et fondatrices de start-up <em>out </em>dans la tech”, Soraya Jaber, CEO d’Opuscope</strong>

Soraya Jaber a 27 ans. Elle est à la tête d’Opuscope, une entreprise de la Deeptech (jeune entreprise développant des innovations de rupture). Dans son environnement professionnel, elle a toujours été out et s’engage à ce que son entreprise soit inclusive, bienveillante et à l’image de la société. Le 11 octobre dernier, c’était la journée mondiale du comingout, l’occasion pour elle de partager son homosexualité sur LinkedIn et de constater à quel point il est encore nécessaire de visibiliser les personnes LGBTQI+.

Par Léa Taïeb 

À 11 ans, Soraya Jaber prend conscience qu’elle est lesbienne. “Au début, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. J’avais l’impression de ne pas être comme tout le monde”, se souvient-elle. Et de poursuivre : “autour de moi, je ne connaissais aucune personne à qui j’aurais pu m’identifier”. Au lycée, l’adolescente réalise qu’elle n’est pas seule dans cette situation, que d’autres personnes sont comme elle. À ce moment-là, l’acceptation commence, elle vit sa première relation amoureuse. Tout se passe très bien : les élèves comme le personnel enseignant manifestent une certaine bienveillance à l’égard de son couple. “Avec ma copine, on était plutôt intégrées, on avait pas mal de groupes d’ami·es, nous n’avons jamais été la cible de railleries”, précise-t-elle. Et d’ajouter : “on a eu de la chance, notre homosexualité semblait être un non sujet”. 

Élue au Conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL) de son lycée, elle participe à l’organisation d’événements dont certains portent sur l’éducation sexuelle, “l’opportunité de rendre visibles les personnes gays et lesbiennes”, explique-t-elle. À l’université, elle étudie l’Histoire de l’art et parle librement de son homosexualité sans craindre les réactions. Seuls certains hommes se permettent des remarques “lourdes”. “Ce qui ne m’a jamais beaucoup touchée”, commente-t-elle.

Deux co-fondatrices dans la tech: l’exception à la règle

À 20 ans, elle cofonde avec sa meilleure amie l’entreprise Opuscope (son entreprise actuelle) qui propose des applications pour créer des expériences immersives sans avoir à coder. “Dès le départ, mon associée et moi avons pensé l’entreprise selon des valeurs inclusives”, assure l’entrepreneuse. Et de compléter : “certaines personnes LGBTQI+ se sentent sûrement plus à l’aise dans une entreprise comme la nôtre, une entreprise notamment portée par une femme lesbienne et qui parle librement de son homosexualité”. Tina, son associée et CTO, en cours de transition de genre, se définit comme une femme trans. “Nous sommes désormais deux cofondatrices dans la tech, ce qui est encore trop rare. Mais, j’ai confiance : nous serons de plus en plus nombreuses dans les années à venir”, prévoit la jeune femme.

Aujourd’hui, c’est indéniable, les nouvelles générations choisissent une entreprise en fonction de sa culture, de ses valeurs, de sa capacité à inclure les diversités. Dès le processus de recrutement, sa start-up prête une attention particulière au langage qu’elle emploie. “En plus de l’écriture inclusive, sur chaque offre diffusée, nous rappelons que la différence est une richesse”, informe la fondatrice. Opuscope s’engage également à considérer chaque candidature selon des critères objectifs tels que les compétences et l’expertise.

Les entreprises de la Deeptech ne peuvent pas se développer sans les diversités

“Certain·es salarié·es choisissent de nous rejoindre parce que l’entreprise que l’on a construite se départit de certains biais cognitifs, de certains stéréotypes de genre”, revendique-t-elle. Comment expliquer cette absence de préjugés ? Les deux co-fondatrices n’avaient jamais connu le monde de l’entreprise avant de se lancer dans l’entrepreneuriat, elles n’avaient donc pas à déconstruire un mode de pensée qu’elles n’avaient jamais intégré.

Soraya Jaber rappelle aussi que les entreprises ne peuvent pas se passer de la diversité et de l’inclusion. “Plus particulièrement dans l’industrie de la Deeptech (ou de l’informatique spatialisée), nous avons tout à explorer, tout à définir, beaucoup à réinventer. Pour créer des produits qui s’adressent aux créatifs du monde, la richesse de nos équipes, leurs diversités sont essentielles à notre développement”, estime-t-elle. Aujourd’hui, l’entreprise travaille avec une vingtaine de talents issus de différents backgrounds. 

En plus de développer de nouveaux projets avec Opuscope, elle s’engage depuis plusieurs années à partager son expérience de “jeune femme entrepreneure dans la Tech” au sein du programme Sista et à prendre de plus en plus la parole en tant que femme lesbienne out (depuis son coming-out grand public). “Dès que l’occasion le permet, je rappelle que l’on peut être homosexuelle et réussir dans ce secteur”, résume-t-elle. Et de conclure : “il y a encore trop peu de fondateurs et fondatrices de start-up out dans la tech, trop peu de publications sur le sujet. Et il y a encore des personnes qui n’osent pas être ce qu’elles sont au travail et qui en souffrent”. Pour y remédier, Soraya Jaber réfléchit avec d’autres fondateurs et fondatrices à créer un réseau LGBTQI+ d’entrepreneur·es.