Drag queen parisienne originaire de l’Ardèche et participante de la première saison de Drag Race France en 2022, la pétillante Kam Hugh sera présente lors de l’événement têtu·connect le 18 mars à destination des entreprises et des étudiants. Pour elle, le drag est autant artistique que militant, et peut même apprendre au monde du travail à être plus inclusif.
Par Etienne Brichet
Un, deux, trois, Kam ! À 24 ans, la drag queen ardéchoise savoure encore les retombées de sa participation à l’émission Drag Race France et n’hésite pas à donner de sa personne pour sensibiliser les entreprises sur des sujets qu’elle estime cruciaux. « Ce genre d’événement est important. C’est bien d’avoir accès à la parole de personnes LGBTQI+ qui ont une expérience professionnelle parce qu’elles peuvent expliquer comment elles ont vécu la prise en compte de leur identité en entreprise ». Après avoir fait rêver des millions de téléspectateurs sur France 2, Kam Hugh vit désormais une aventure en tant que drag queen auto-entrepreneuse. « Je vis de cachets d’artiste mais je compte bien donner une vision moderne du monde du travail ».
« J’ai toujours pensé que j’étais différente »
Vivre à Paris a toujours été une certitude pour Kam Hugh. Mais passer du rêve à la réalité lui a demandé des efforts. « J’ai grandi à Aubenas, une ville de 16 000 habitants qui n’est pas facilement accessible, il n’y a pas de train. Dans mon lycée, j’étais la seule personne out, c’était assez bizarre. Je me réfugiais sur les réseaux sociaux pour trouver des gens qui me ressemblaient. J’ai toujours pensé que j’étais différente donc je me suis projetée sur ce que je voulais faire plus tard tout en faisant en sorte d’y arriver. Mais j’ai quand même eu la chance d’avoir des parents qui m’ont accepté et qui m’ont encouragé ». Elle quitte son Ardèche natale juste après le bac pour s’installer à Lyon dans le cadre de ses études. « J’ai fait un BTS Métiers de l’Esthétique Cosmétique Parfumerie pour apprendre le management. Je voulais être maquilleuse mais je savais que je devais au minimum faire des études reconnues par l’État ».
« Le drag pouvait m’ouvrir de nouvelles perspectives »
Malgré sa passion pour le maquillage, Kam Hugh sent qu’il manque quelque chose. « Je faisais des vidéos sur mon temps libre où je me maquillais, mais rien de très extravagant. Avec le temps, j’ai trouvé ça ennuyeux. Il manquait une dimension artistique que j’ai trouvée quand j’ai découvert l’émission Ru Paul’s Drag Race ». Une nouvelle voie s’ouvre alors à elle. « Je me suis dit que le drag pouvait m’ouvrir de nouvelles perspectives donc j’ai commencé simplement et ça a très bien marché. J’ai continué et je suis allée voir des drag shows à Paris. Avec mes maquillages originaux, je me suis vite fait remarquer par des drag queens avec lesquelles je suis devenue amie ». Tout s’enchaîne très vite pour la drag queen et son évolution ne passe pas inaperçue. « J’adore le drag parce que c’est la jonction entre le maquillage, la transformation, et l’art scénique. J’ai acquis une certaine notoriété que ce soit sur les réseaux ou en dehors. On m’a proposé de faire des petits shows et j’ai tout de suite accepté ».
« Vivre de son art et de sa passion en tant qu’artiste, c’est une des plus belles réussites »
Après avoir terminé ses études, Kam Hugh est engagée par Make Up For Ever Paris. « J’ai travaillé environ cinq ans pour cette entreprise. Ça ne paraît pas énorme mais ça représente toute ma vie active.. J’ai pu constater que c’était un secteur très inclusif envers les personnes LGBTQI+, d’autant plus que cet engagement faisait partie de leur charte d’égalité et de leurs valeurs ». Si le drag est un loisir dans cette période de sa vie, elle ressent l’envie de passer à l’étape supérieure. « Ce que j’aime dans le maquillage, c’est la transformation. Je voulais le faire sur moi mais je ne savais pas comment le faire de façon professionnelle. C’est vraiment le drag qui m’a apporté tout ce qu’il me fallait » La drag queen se lance en tant qu’auto-entrepreneuse et ses efforts sont récompensés lorsqu’elle est prise dans l’émission Drag Race France. « Je pouvais vivre de mon drag mais il commençait à coûter très cher. Quand on est venu m’annoncer à mon travail que j’étais prise, ça a été à la fois un très beau moment et un soulagement. Participer à cette émission m’a davantage permis de vivre du drag. Vivre de son art et de sa passion en tant qu’artiste, c’est une des plus belles réussites ».
« Il faut davantage de représentation LGBTQI+ dans le monde du travail »
Au-delà de la dimension artistique, c’est aussi l’aspect militant de cet univers qui parle à la jeune drag queen. « J’ai souffert du manque de représentations LGBTQI+ en France quand j’étais adolescente. Aujourd’hui, on peut voir des garçons se maquiller sur TikTok, mais c’était quasiment inexistant il y a dix ans. C’est nécessaire pour moi de rendre le drag visible en France pour montrer aux personnes comme moi qu’il n’y a pas qu’un seul modèle à suivre pour se construire ». Cette question des représentations et des rôles modèles, Kam Hugh y est sensible. « Quand on ne se voit pas représenté dans certains endroits de la société, on a tendance à s’auto-censurer. Ça vaut pour les entreprises. Voir des personnes LGBTQI+ à des postes à responsabilité, cela peut donner de l’espoir et montrer aux gens qu’il y a des voies qui sont accessibles. C’est pour cela qu’il faut davantage de représentation LGBTQI+ dans le monde du travail ».
« C’est l’éducation que l’on donne aux enfants qui influence leurs réactions envers les personnes LGBTQI+ »
Pour autant, Kam Hugh souhaiterait que l’inclusion ne soit pas qu’une simple histoire de quota à respecter. « Évidemment que les quotas sont efficaces pour faire régner une certaine parité au travail. Mais ce serait idéal si l’employeur engageait une personne LGBTQI+ plus naturellement, sans se demander si elle pourrait être un défaut pour son entreprise. On doit prendre une personne pour ses compétences et pas pour son physique, son ethnicité, ou son genre. Être gay, lesbienne, ou transgrenre n’altère en rien nos compétences et notre capacité à travailler ». Mais pour elle, l’inclusion se pense aussi en amont. « Une éducation inclusive pourrait permettre aux enfants de savoir que d’autres voies existent. Nos enfances et adolescences n’ont pas toujours été faciles et heureuses. Beaucoup ont connu le harcèlement. Faire de la pédagogie dès l’enfance pourrait être un levier contre cela. Et sur le long terme, ces personnes arriveront en entreprise plus à l’aise et en confiance vis-à-vis d’elles-mêmes. Tout ne sera pas parfait, mais c’est l’éducation que l’on donne aux enfants qui influence leurs réactions envers les personnes LGBTQI+ ».