“En France, plus de la moitié des salariés LGBTQ+ cachent encore leur orientation ou identité sexuelle au bureau”, Albin Serviant, CEO Têtu

“En France, plus de la moitié des salariés LGBTQ+ cachent encore leur orientation ou identité sexuelle au bureau”, Albin Serviant, CEO Têtu

Pour rattraper le retard des entreprises françaises en matière d’inclusion des talents LGBT+, la plateforme, Têtu Connect, a été officiellement lancée le 12 mai 2021. Albin Serviant, CEO de Têtu, dévoile les différents outils proposés par ce forum B2B pour accompagner les grandes comme les petites structures à repenser leur culture.

En 2018, l’entrepreneur et business angel Albin Serviant rachète le groupe TÊTU après avoir fondé la French Tech de Londres. Aujourd’hui, à la tête de TÊTU – désormais à l’équilibre – et de Founders Factory à Paris, l’entrepreneur lance des projets autour de la marque comme le Paris Est Têtu Festival ou encore Têtu Connect, une plateforme destinée aux entreprises qui s’engagent du côté des salariés LGBT+ et de la diversité.

Propos recueillis par Léa Taieb

Pourquoi créer une plateforme qui agit en faveur des salariés LGBT+ en 2021 ?

Très vite, l’idée de parler d’inclusion et de diversité en entreprise s’est imposée dans mon esprit. Tout d’abord, parce qu’on passe beaucoup de temps en entreprise et qu’il est nécessaire qu’on s’y sente bien. En plus de ça, un salarié épanoui est un salarié qui performe. Après avoir vécu huit ans en Angleterre, j’ai réalisé à quel point la France était en retard par rapport à ses voisins. À titre d’exemple, au Royaume-Uni, le Financial Times établit, chaque année depuis 2013, un classement des cadres LGBT+ qui participent à créer un environnement de travail inclusif.

Quelle est la situation de la France en matière d’acceptation des personnes LGBT+ ?

En France comme dans de nombreux pays du Sud de l’Europe, plus de la moitié des salariés LGBTQ+ cachent encore leur orientation ou identité sexuelle au bureau d’après notre dernière enquête sur l’inclusion des LGBTQ+ en entreprise réalisée en partenariat avec le réseau Pride du BCG. Et ce n’est pas tout : plus d’un tiers des personnes interrogées considèrent leur coming-out comme un danger pour leur carrière.

En 2020, le contexte populiste et la généralisation du télétravail liée à l’épidémie n’ont pas joué en faveur de l’intégration de la communauté LGBT+. En raison du travail à distance, les actions concrètes portées par les entreprises n’étaient plus tellement visibles et les discussions informelles permettant de libérer la parole de plus en plus rares. Le retour au travail en présentiel aura sûrement des conséquences positives sur les conditions de travail des salariés LGBT+.

Concrètement, quelles sont les actions mises en place par Têtu Connect ?

Sur le site de Têtu Connect, nous donnerons accès à une multitude de “best practices” (sous la forme de vidéos, de podcast et d’articles), à des conférences ou encore à des ateliers. Suivant le modèle britannique, les entreprises abonnées à la plateforme pourront participer à des dîners privés. Lors de ces événements, nous mettrons à l’honneur des rôles modèles, des personnalités issues de la communauté LBGT+ qui agissent en faveur d’un monde du travail plus inclusif.

En plus de ces contenus, chaque entreprise disposera d’une heure de coaching soit une heure de discussion avec un.e spécialiste des questions d’inclusion et de diversité. Les grands groupes comme les PME bénéficieront de conseils personnalisés et adaptés à leurs besoins.

Têtu Connect servira à valoriser les salariés LGBT+ mais aussi les personnes victimes de discriminations au travail : les femmes, les minorités ethniques ou encore les personnes handicapées.

À qui s’adresse cette plateforme ?

Sur cette plateforme, nous réunirons aussi bien des dirigeants, DRH, responsables RSE d’entreprises du CAC40 comme de PME. Nous voulons tout particulièrement soutenir les structures de moins de 1.000 salariés encore à la traîne sur les sujets d’inclusion. Dans ces PME, peu de salariés LGBT+ constatent une progression de leur employeur sur ces sujets au cours des dernières années.

“Nous avons pour ambition de sensibiliser l’ensemble de la société française aux problématiques d’inclusion”,

Pour le moment, nous accompagnons une trentaine d’entreprises dans la mise en place d’une vraie politique en faveur de la promotion des personnes LGBT+. Sur le long-terme, nous avons l’ambition de sensibiliser à la diversité l’ensemble de la société française et non plus seulement une minorité déjà convaincue par notre discours.

Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaite mener une politique inclusive ?

“Pour faire évoluer les mentalités, signer et afficher une charte ne suffit pas!”

Je commencerai pas à rappeler qu’il n’y a pas une seule solution mais une série de mesures à mettre en œuvre. Mais, pour que les salariés d’une entreprise saisissent l’importance de l’inclusion des personnes LGBT+, le comité exécutif (ou le top management) doit prendre la parole sur le sujet. En plus de son engagement, l’entreprise doit mettre en place des actions concrètes comme la création d’une association LGBT+, la mise en avant d’un rôle modèle qui valorise toutes les orientations et identités sexuelles, l’organisation d’une journée diversité. La signature d’une charte n’est plus suffisante pour faire évoluer les mentalités et mesurer une quelconque évolution sur l’épanouissement des salariés.

Quel est l’intérêt des entreprises à être plus progressistes, à s’abonner à Têtu Connect ?

Aujourd’hui, les jeunes diplômés accordent une grande importance à la politique diversité mise en place dans l’entreprise qu’ils pourraient rejoindre. Ils prêtent également attention à la communication externe (les publicités doivent se montrer représentatives de la population des salariés) et se laissent rarement duper par l’opportunisme de certaines campagnes. L’engagement en faveur des personnes LGBT+, de l’égalité entre les femmes et les hommes ou des minorités est un facteur de différenciation qui joue clairement dans la décision d’un.e millennial.

Quels défis la plateforme Têtu Connect doit-elle encore relever ?

En 2020 et en raison de la crise sanitaire, nous avons organisé de nombreux webinars pour sensibiliser un maximum de personnes à l’importance d’une politique en faveur de l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail. Cette année, nous espérons rencontrer physiquement les entreprises-partenaires pour échanger et s’enrichir mutuellement.

Dans le même temps, nous nous attendons à ce que de plus en plus d’entreprises françaises soient sensibles au sujet du bien-être au travail et nous sommes prêts à les accueillir sur Têtu Connect.

Quels sont vos objectifs pour les mois à venir ?

Nous sommes déterminés à rattraper le retard de La France par rapport au Royaume-Uni. Pour ce faire, il est nécessaire qu’au moins cinquante entreprises fassent partie du club Têtu Connect et renouvellent leur adhésion, leur envie de promouvoir la communauté LGBT+ dans leur culture. Nous comptons également développer de nouveaux supports destinés à former les comités exécutifs, notamment.

Têtu vient de fêter ses 25 ans d’existence, quelles évolutions constatez-vous ?

En l’espace de 25 ans, les combats bougent. Certains restent, d’autres s’effacent du champ médiatique. Depuis peu, un nouveau terrain de lutte émerge : l’entreprise. Aujourd’hui, une entreprise qui ne joue pas un rôle dans l’évolution des mentalités perd en attractivité au profit d’entreprises plus en phase avec les préoccupations des nouvelles générations. Fin 2021, nous serons capables de mesurer la progression des indicateurs grâce à la nouvelle étude du BCG.