Dorith Naon, 28 ans, se définit comme lesbienne tatouée et influenceuse LinkedIn. En novembre dernier, elle perce grâce à un post publié sur le réseau professionnel. Une nouvelle vie s’ouvre alors à elle. Depuis, chaque jour ou presque, elle raconte ce qu’elle traverse au quotidien, ce qui l’anime, ses valeurs, son parcours. Depuis quelques mois, elle accompagne des entreprises dans leur communication sur LinkedIn. Aujourd’hui, elle rêve de devenir chroniqueuse sur des thématiques liées à l’inclusion et à la diversité dans le monde du travail.
Par Léa Taïeb
“Je l’ai toujours senti. Très tôt, j’ai compris que je pouvais ressentir de la tendresse, de l’amour pour une fille”, confie Dorith Naon. À 18 ans, la jeune femme rencontre une fille de façon virtuelle. “On se parlait tous les jours, j’ai compris que c’était plus que de l’amitié, que j’étais attirée par elle”. En famille, elle préfère garder le secret par peur des réactions, du rejet, de la violence. Quelques mois plus tard, “ma mère m’a foutue dehors”.
À 19 ans, elle découvre le monde du travail. “J’étais hébergée dans un foyer, il fallait absolument que je trouve un job pour payer mon loyer. Je ne voyais pas comment je pouvais m’en sortir autrement », se souvient-elle. Elle est prise en tant que vendeuse dans une librairie. Durant sa période d’essai, elle se fait discrète, évasive. Elle parle très peu de sa vie privée. Elle se protège d’une possible hostilité. “Je n’avais pas le luxe de prendre le risque d’être out”, explique-t-elle. Même après sa période d’essai, elle reste floue sur sa vie sentimentale : “j’évitais de genrer, je faisais en sorte que l’on ne puisse pas savoir grand chose”. Un jour, une cliente de la librairie la drague ouvertement. Sa responsable, qui assiste à la scène, “tilte”. Quelques semaines plus tard, Dorith finit par faire son coming out auprès de ses collègues. “Je leur ai annoncé quand j’étais sûre qu’elles le prendraient bien. On était amies, on allait boire des verres ensemble, on se voyait le week-end, on se connaissait”, précise-t-elle. Et d’ajouter : “j’étais soulagée de mettre fin à cette gymnastique mentale. J’en avais marre de mentir à des personnes que j’appréciais”.
“Je ne m’attendais pas à ce que la voix d’une femme lesbienne et tatouée puisse avoir autant d’échos sur LinkedIn”
Dorith Naon
“Mon orientation sexuelle comme mes tatouages font partie de mon identité”
Après cette première expérience professionnelle, elle décide de s’assumer en tant que femme lesbienne et tatouée. Elle recherche alors un emploi dans lequel elle pourra s’épanouir. “Mon orientation sexuelle comme mes tatouages font partie de mon identité, je n’avais pas envie de les réserver au privé”, précise-t-elle. Un jour, alors qu’elle passe un entretien, le recruteur part du principe qu’elle est mariée avec un homme. “Je l’ai tout de suite corrigé pour dissiper tout malentendu”, décrit-elle. Et de poursuivre : “je ne cherchais pas à exhiber ma vie privée, juste à ne plus dissimuler ma femme”. Dans cette entreprise, ses collègues sont plutôt curieux, ils lui posent des questions sur son coming out, sur sa vie de couple, sur sa femme.
En novembre 2021, elle est déçue par Indeed (le site spécialisé dans la recherche d’emploi) et apprivoise Linkedin, un réseau social dans lequel elle a encore espoir de trouver “le bon poste”. Chaque jour de la semaine, elle met sa créativité au service de son profil. “Au début, j’avais l’impression d’être la seule femme de moins de 50 ans avec un style peu conventionnel”, remarque-t-elle. Mais, malgré cette première impression, elle reste et commence à se confier sur les épreuves qui ont jalonné sa vie professionnelle. Elle parle de harcèlement sexuel, de l’homophobie, des remarques sur son style vestimentaire. “J’écrivais pour que des employeurs puissent se reconnaître dans les valeurs que je prônais”, informe-t-elle. Et de continuer : “Un employeur qui me suit sur LinkedIn, il sait que je suis lesbienne, que je suis tatouée. Il sait à quoi s’attendre”.
“J’ai reçu plus de 200 propositions d’emplois”
Un jour, elle écrit un post sur les compétences avant l’apparence. “J’explique que les tatouages ne doivent pas avoir d’impact sur le processus de recrutement”, indique-t-elle. Sa publication fait réagir plusieurs milliers de personnes. À ce moment-là, son compte explose. Elle reçoit plus de 200 propositions d’emplois. “Je ne m’attendais pas à ce que la voix d’une femme lesbienne et tatouée puisse avoir autant d’échos”, réagit-elle.
Depuis, elle continue à alimenter son compte de publications “qui font bouger les lignes, qui éveillent les consciences” : elle parle ouvertement de son homosexualité, de sa femme “une personne qui me porte”. En réaction à son coming out public, elle reçoit des messages d’internautes LGBTQI+ qui la remercient pour ses nombreuses prises de parole et qui osent, à leur tour, s’outer sur LinkedIn. “Je lis aussi beaucoup de commentaires de haters, de personnes LGBTphobes sous mes posts”, rapporte-t-elle. Et de poursuivre : “je dédramatise la haine en répondant à ces commentaires avec humour et distance”.
“Je suis l’une des seules femmes lesbienne out sur LinkedIn”
Dorith est quasiment l’une des seules femmes lesbiennes à s’exprimer sur LinkedIn. “Beaucoup craignent les conséquences d’un coming out sur LinkedIn. Elles sont encore nombreuses à percevoir ce réseau comme étant conservateur et hostile à la communauté LGBTQI+”, note-t-elle. Et d’assurer : “si elles étaient hétérosexuelles, elles parleraient de leur vie privée dans leur storytelling”.
Suite à sa visibilité sur LinkedIn, BFM Business lui a proposé d’intervenir en tant que chroniqueuse sur des sujets “corporate”. LinkedIn l’a également contactée et lui a proposé de collaborer en tant que managed creator : “je teste toutes les nouvelles fonctionnalités de la plateforme, je mets en avant certains sujets selon leurs suggestions”, explique-t-elle. Elle a également été remarquée par une agence d’influenceurs et influenceuses LinkedIn. Dans ce cadre, elle travaille avec pas mal d’entreprises qui partagent ses valeurs. “Sur mon profil, je mets en avant leurs actions, leur politique inclusion et diversité. Je suis également sollicitée pour animer des webinaires sur mes sujets de prédilection”, décrit-elle. En parallèle, elle a développé une activité de ghostwriter et formatrice Linkedin, c’est-à-dire qu’elle accompagne des personnes ou des entreprises qui se lancent sur LinkedIn dans leur communication.
“Parce que la puissance de ce réseau est énorme, j’espère être remarquée par l’équipe de Quotidien : c’est mon rêve de chroniquer dans cette émission”, confie-t-elle, rêveuse.