Pas facile pour une entreprise de trouver le ton juste lorsqu’il s’agit de prendre la parole sur les sujets diversité et inclusion. Certaines, peut-être trop pressées, s’y sont essayées avec fracas. D’autres, à la suite de scandales, tentent de faire amende honorable en mettant en place de nouvelles pratiques à grand renfort de campagnes de communication. têtu•connect livre un panorama des pratiques D&I novatrices, qui émergent aux quatre coins du globe.
Par Chloé Consigny
Au canada, une compagnie aérienne prône l’inclusivité au travers d’uniformes « asexués »
S’il est un métier longtemps fantasmé, c’est bien celui des personnels navigants des compagnies aériennes. Depuis les débuts de l’aviation commerciale, les hôtesses de l’air et les stewards ont été l’objet d’incessants stéréotypes sexistes et homophobes. Des clichés souvent accentués par le port d’uniformes genrés et hétéronormatifs. Le 7 septembre 2022, la compagnie aérienne canadienne WestJet dévoilait sa toute nouvelle ligne d’uniformes. Des tenues revendiquées par le groupe comme « asexuées et inclusives ». La compagnie à bas coûts revendique depuis 2017 son engagement destiné à « faire tomber les normes de genre ». Chaque membre du personnel navigant a désormais le choix de sa tenue, entre le tailleur pantalon ou le tailleur robe. Par ailleurs, le groupe propose désormais à chaque collaborateur et collaboratrice des étiquettes avec un espace afin qu’il ou elle puisse y accoler le pronom de son choix. Autre avancée notable : la politique prohibitive des tatouages a été revue. Il est désormais possible à chacun et chacune de dévoiler ses tatouages. Pour rappel, ce n’est qu’en 2018 que la compagnie Hong Kong Cathay Pacific a annoncé qu’elle donnerait à ses hôtesses la possibilité de porter un pantalon, mettant fin à 70 années de jupe obligatoire. L’accord a fait suite à une demande des syndicats auprès de la compagnie déposée en 2014, soit quatre années auparavant !!
Aux Etats-Unis, l’égalité salariale entre footballeurs et footballeuses est décrétée
Après avoir remporté quatre titres en coupe du monde et de nombreuses médailles olympiques, les footballeuses américaines obtiennent l’égalité de traitement salarial. Le 18 mai 2022, la Fédération américaine de football (USSF – US Soccer Federation) annonçait ainsi avoir conclu un accord qualifié « d’historique » avec les associations de joueurs et de joueuses de ses sélections, formalisant des salaires égaux entre l’équipe masculine et l’équipe féminine. « Les deux conventions collectives, qui courent jusqu’en 2028, permettent d’atteindre des salaires égaux à travers des termes économiques identiques », détaille la Fédération dans un communiqué. Une annonce qui fait suite aux poursuites engagées par Megan Rapinoe, capitaine, ouvertement lesbienne, de l’équipe nationale féminine des Etats-Unis. Sacrée championne du monde en 2019, elle avait, à cette époque, avec 28 autres joueuses, déposé un recours collectif contre la politique salariale discriminatoire de la Fédération américaine de football. A la suite du Mondial, les Américaines avaient alors empoché 110 000 dollars. Un montant qui, grâce à l’accord, pourrait atteindre 450 000 dollars. « Nous plaisantons au sujet de l’argent, mais c’est une des manières par laquelle la société te fait savoir ce que chacun vaut », a commenté la joueuse à l’issue de l’annonce. A noter, en Europe, seuls quatre pays ont décrété l’égalité ou l’équité salariale au sein de leurs équipes nationales de football. Il s’agit des Pays-Bas, du Danemark, de la Norvège et de la Finlande.
Ubisoft tente de faire amende honorable
En 2020, se créait « A Better Ubisoft », un collectif composé d’employé·es toujours en fonction et d’ex salarié·es du groupe, en réaction aux nombreux témoignages de harcèlement sexuels au sein du géant français des jeux-vidéos. Dans une lettre ouverte, le collectif appelait la direction à améliorer les conditions de travail au sein des studios. Le collectif listait quatre principales revendications :
- Cesser de promouvoir et de déplacer des agresseurs connus d’un studio à l’autre, d’une équipe à l’autre sans aucune répercussion.
- Vouloir une place collective à la table des discussions, pour avoir une prise de parole significative sur la façon dont Ubisoft en tant qu’entreprise peut aller de l’avant.
- Avoir une collaboration intersectorielle, pour convenir d’un ensemble de règles de base et de processus que tous les studios pourront utiliser pour gérer ces infractions à l’avenir.
- Cette collaboration doit impliquer fortement les salarié·es non-cadres et les représentants syndicaux.
Deux-cent jours plus tard, le collectif déplorait que cet appel n’ait pas été suivi d’effets. La gronde est telle que dans les studios québécois du groupe, certaines développeuses et développeurs refusent aujourd’hui de travailler sur le nouvel opus d’Assassin’s Creed, déplorant l’encadrement par un directeur régulièrement accusé de harcèlement depuis 2020. La direction du groupe a, pour sa part, fait évoluer son organigramme. En mars 2021, la firme française nommait Raashi Sikka Vice-présidente Diversité & Inclusion, un poste nouvellement créé. Le 24 mai 2021, dans un communiqué, le groupe dressait la liste des actions mises en place. Parmi celles-ci se trouvent la mise en place d’évaluations anonymes, la révision de la structure RH et du code de bonne conduite, la mise en place de sessions de formation contre le harcèlement l’introduction du critère de performance « responsable » au système de gratifications.
Il est intéressant de noter que les politiques D&I progressistes ont des effets positifs à 360° sur l’écosystème d’une entreprise, alors que l’absence de ou une mauvaise politique D&I a des effets délétères dans et hors de l’entreprise.
A noter aussi que pour Ubisoft, il y a antagonisme entre les produits distribués qui sont inclusifs et respectueux des diversités, à l’instar de « life is Strange », « The Last Of Us 2 » ou encore « Assassin’s Creed », alors que les équipes de conception ne sont pas respectées (cf. ci-dessus).