Design digital : un mentorat à destination des femmes et des personnes non binaires

<strong>Design digital : un mentorat à destination des femmes et des personnes non binaires</strong>

Créée en 2018, l’association HexagonUX (UX pour User Experience ou expérience utilisateurs et utilisatrices), se donne pour ambition d’accompagner dans leur carrière des femmes (cis ou trans) et des personnes non binaires travaillant dans l’UX Design (design de l’expérience utilisateurs pour les plateformes digitales). Quelles sont aujourd’hui les difficultés que rencontrent les femmes LBTQI+ dans le secteur de la Tech? Focus sur l’accompagnement proposé par HexagonUX.

Par Léa Taïeb 

En quoi consiste le programme de mentorat Hexagon UX ? 

Initié par des designers de Google aux États-Unis, le programme a été décliné en France en 2018. Depuis cette date, HexagonUX se place chaque année aux côtés d’une cinquantaine de femmes et de personnes non binaires. Quatre mois durant, celles-ci sont accompagnées par un ou une mentor (à l’instar d’Audrey Hacq, VP design d’Openclassroom ou encore de Ghita Benotmane, Product Director de Payfit). Hexagon UX organise également des événements destinés à fédérer les différentes promotions et mettre à l’honneur de nouvelles représentations de designers, véritables rôles modèles. 

Pourquoi un tel programme est-il encore nécessaire ?  “Dans l’UX design, il y a globalement de plus en plus de femmes. Mais, cette mixité n’implique pas qu’elles accèdent aux postes de direction”, observe Luz Delgado, designer stratégique et organisatrice du programme. Et de poursuivre : “ce programme peut leur permettre de dépasser leurs blocages, de monter en grade”. 

Pourquoi concevoir un programme exclusivement consacré aux femmes et aux personnes non binaires ? 

Aujourd’hui, les femmes et les personnes non binaires sont confrontées à des problématiques similaires dans leur quotidien professionnel : elles peinent à évoluer en raison d’un manque de confiance en elles, souvent lié aux stéréotypes de genre. “Ce programme en non mixité choisie permet aussi de se sentir dans un environnement sécuritaire”, décrit Émilie Imhof, mentoré·e, ingénieur·e des médias et designer UX spécialisée en numérique responsable. Et d’ajouter : “dans ce cadre, les questions de genre sont abordées de façon constructive. C’est motivant”.

Quelles sont les problématiques du quotidien des femmes trans, lesbiennes, bisexuelles et des personnes queers ? 

“Je tiens tout particulièrement à travailler sur la confiance en soi, un point sur lequel j’ai besoin d’échanger pour conscientiser mes capacités internes”, confie Émilie Imhof, mentoré·e. Et de compléter : “je pense qu’en discutant avec une personne plus expérimentée, qui a du recul sur ma situation, je pourrai révéler mon potentiel”. 

La plupart des personnes qui rejoignent le programme sont confrontées à des problématiques plus personnelles que techniques. Elles sont majoritaires à être en début de carrière dans ce secteur : elles sont jeunes actives ou se reconvertissent. “Elles vivent un moment charnière dans leur carrière, s’apprêtent à prendre un nouveau poste, de nouvelles responsabilités et ne savent pas comment assumer ce rôle”, rapporte Corinne Leulier, mentor et directrice du design chez frog (l’agence de Capgemini Invent). “Elles sont toutes plus ou moins touchées par le syndrome de l’imposteur et peinent à occuper la place qui leur est accordée”, remarque Luz Delgado. Souvent, ces personnes sont aussi les seules designers dans leur équipes et “souvent, elles cherchent un regard pour valider leurs propositions”. 

En conséquence, ce manque de confiance les empêche de gagner en séniorité, de prouver leur potentiel à leur entourage professionnel. Résultat : les femmes et les minorités de genre sont moins présentes dans les fonctions managériales et de direction. C’est ainsi que les inégalités de genre se perpétuent. 

Concrètement comment se passent les sessions de mentorat ? 

Le programme sélectionne une cinquantaine de personnes sur près de 250 candidatures. Après la création des binômes, les mentors et les mentorées se retrouvent régulièrement pour faire le point sur les objectifs professionnels de la mentorée. Dans un premier temps, la mentorée rappelle son objectif à son binôme en lui partageant ses ambitions, ses frustrations. “J’ai envie de valoriser le guide pratique uxetgenre.com portant sur la diversité de genre en design, un projet sur lequel je travaille depuis plusieurs mois. Je vise à le faire connaître avec fierté” explique Émilie Imhof, actuelle mentoré·e. De son côté, Marion Le Galle, ancienne mentorée et designer chez Pôle emploi, cherchait à s’affirmer pour évoluer dans ses fonctions, pour devenir lead designer. Les deux mentorées se sont posées la même question : comment mieux valoriser leurs compétences ? 

C’est à ce moment-là que Corinne Leulier, mentor, intervient. “Plus on monte dans la hiérarchie, plus les femmes et les personnes queer se sentent seules : elles se retrouvent très vite entourées d’une majorité d’hommes sans pouvoir compter sur le principe de sororité”, observe la mentor. Dans ce contexte, comment exister dans un monde d’hommes ? “L’essentiel de mon travail consiste à faire prendre conscience de ses forces, à apprivoiser ses faiblesses”, explique-t-elle. Et de poursuivre : “en général, la personne mentorée a juste besoin d’un miroir qui lui rappelle ce qu’elle a déjà en elle”. Elle rappelle que dans les écoles de design, il n’existe pas véritablement de modules pour prendre confiance en soi, pour affirmer son leadership et compter dans les décisions. 

“Aujourd’hui et depuis la fin du programme, je manage une équipe, j’ai gagné en responsabilités et j’ai été promue lead UX”, annonce enthousiaste Marion Le Galle, ancienne mentorée. Et de continuer : “je me sens beaucoup plus légitime pour faire valoir mes idées, mes points de vue en tant que designer et en tant femme queer lesbienne”. 

Comment donner plus de visibilité aux personnes LGBTQI+ dans le monde du design ? 

Le programme peut permettre de visibiliser des parcours de designers de femmes et/ou de personnes queer. “Aujourd’hui, nous devons communiquer pour faire comprendre aux femmes trans et aux personnes non binaires qu’elles sont les bienvenues, qu’elles ont leur place au sein de cette structure, qu’elles peuvent se faire accompagner”, informe Luz Delgado. Dans le futur, il est possible que certaines de leurs conférences, de leurs événements portent sur des thématiques en lien avec les communautés LGBQTI+. Émilie Imhof suggère la problématique suivante : comment créer des produits qui s’adressent à tout le monde, peu importe l’identité de genre et l’orientation affective ? Comment dépasser la norme cisgenre hétérocentrée ?

Si plus de femmes et de personnes non binaires évoluent dans la hiérarchie, elles seront davantage visibles. Elles pourront devenir des rôles modèles, inspirer d’autres personnes comme elles et ouvrir le design à toujours plus de diversités.