Comprendre le « parcours de transition » en cinq points clés

<strong>Comprendre le « parcours de transition » en cinq points clés</strong>

La transition d’une personne est souvent l’objet de nombreux fantasmes. Que revêt la notion de « parcours de transition » ? Quels sont les prérequis pour réaliser sa transition en France ? Et quel est le rôle de l’entreprise dans l’accompagnement des collaborateurs et collaboratrices ? Vocabulaire, mythes et réalités, têtu·connect décrypte.

Par Chloé Consigny

Qu’est-ce qu’une transition ? 

Lorsqu’une personne ne se reconnaît pas dans le genre qui lui a été assigné à la naissance, elle opère sa transition afin de rejoindre le genre qui lui correspond. Toutes les transitions ne sont pas forcément l’objet d’une intervention chirurgicale, loin de là: « Au sein de la population des personnes transgenres, celles et ceux qui sont passés par une opération génitale sont minoritaires », explique Béatrice Denaes, Co-présidente de l’association TRANS-SANTE France. Les opérations un peu plus nombreuses sont, pour les femmes transgenres, la féminisation du visage et l’augmentation mammaire, et pour les hommes transgenres, l’ablation des seins. Toutefois, certaines personnes choisissent de changer de genre sans nécessairement passer entre les mains d’un chirurgien, ni même avoir recours à un traitement hormonal. C’est notamment le cas de la plupart des personnes non binaires qui vivent une parfaite fluidité entre les genres masculins et féminins.

La transition médicale 

En France, les transitions médicales sont très encadrées. « Si l’on parle de parcours, c’est qu’effectivement, la transition peut parfois s’apparenter à un véritable parcours du combattant », souligne Béatrice Denaes. En 2019, l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) retire la transidentité de la catégorie des « troubles mentaux et du comportement ». En France, depuis 2010, une transition ne relève plus du formulaire ALD (affection de longue durée) 23, relevant des  « troubles dépressifs récurrents ou persistants de l’adulte », mais du formulaire ALD 31 consacré aux affections longues classées « hors liste ». « Pour autant, beaucoup de médecins et de CPAM considèrent encore le triptyque psychiatre, endocrinologue et chirurgien comme indispensable », poursuit Béatrice Denaes. Ainsi, si en théorie, un médecin généraliste ou un centre de santé sont habilités à délivrer le formulaire ALD31 permettant la prise en charge des soins, la réalité est autre. « En règle générale, la prise en charge par la CPAM se fait après délivrance du laissez-passer que constitue le certificat psychiatrique, bien qu’il n’y ait aucune obligation légale à demander un tel document pour une prise en charge », déplore Béatrice Denaes. Une fois le précieux sésame obtenu, la personne peut bénéficier de soins gratuits et peut s’orienter vers un endocrinologue pour obtenir un traitement hormonal, puis, si elle le souhaite, vers un chirurgien pour une opération d’affirmation de genre. « En fait, de nombreuses CPAM multiplient obstacles et contraintes, qui peuvent s’apparenter à de la discrimination à l’égard des personnes transgenres, comme en a jugé le Tribunal judiciaire de Lille, condamnant ainsi l’Assurance maladie de Roubaix-Tourcoing : elle refusait la prise en charge d’une femme trans pour une intervention qui aurait été acceptée sans restriction pour une femme cis », complète  Béatrice Denaes

La transition administrative

L’autre volet du parcours de transition est le volet administratif qui consiste à opérer un changement d’identité (prénom et sexe) à l’état civil. Depuis la loi de modernisation de la justice au XXIème siècle du 18 novembre 2016, les démarches ont été facilitées. Pour un simple changement de prénom, il suffit de se rendre auprès de l’Officier d’état civil de sa commune. Pour le changement d’un prénom et du sexe mentionné sur l’acte de naissance, la demande se fait auprès du Tribunal de proximité. Plus besoin de produire un certificat médical attestant d’une opération génitale, ni de faire appel à un avocat. Seuls sont pris en compte des témoignages prouvant que son état-civil ne correspond plus à sa vie sociale. Si le jugement est favorable, le greffier prévient l’État civil du lieu de naissance de la personne qui a fait la demande. Le service d’État civil modifie l’arrêt de naissance et le renvoie ensuite à la personne concernée. A noter, cette procédure peut prendre de longs mois, voire une année complète. Commence ensuite un long marathon pour modifier papiers d’identité, contrats bancaires et commerciaux ,carte vitale et autres documents faisant mention de notre identité (diplômes, attestations, …). 

Triple peine 

Le parcours de transition ne s’arrête pas aux rendez-vous médicaux et administratifs. Les regards et les mots entendus au quotidien peuvent également participer à rendre le parcours des personnes qui transitionnent particulièrement difficile et douloureux, comme en témoigne Jules*, en transition F to M : « lors d’un examen médical, le médecin, qui était pourtant censé s’occuper de personnes en transition m’a attrapé les cheveux en me disant « il va falloir me couper ça ». Il a également tâté mon ventre en me signalant que je devais faire des efforts pour perdre du poids. J’avais envie d’hurler, de lui répondre que, certes j’avais pris du poids, mais que j’étais si mal dans mon corps que j’attendais que ma transition soit réalisée pour me reprendre en main. Pourtant, sur le coup, je n’ai rien dit », se souvient-il. En rentrant chez lui, Jules a néanmoins écrit un e-mail au médecin afin de l’alerter sur son accueil des personnes en transition. « Il ne s’agit finalement pas de moi, mais de toutes celles et de tous ceux qui sont susceptibles d’être confrontés à ces agissements. Je me rends compte que les violences sont souvent liées à de l’ignorance. Il faut donc faire preuve de pédagogie et expliquer », souligne Jules. 

Du rôle de l’entreprise

Ces mots qui blessent, hautement discriminants peuvent également être prononcés en entreprise. Souvent, les mêmes mécanismes sont à l’œuvre : l’ignorance qui peut induire des comportements fuyants, voire des commentaires extrêmement blessants. Conscient·es de ces biais, certains collaborateurs et collaboratrices font le choix de s’engager au travers de réseaux LGBTQI+ et allié·es. C’est ainsi qu’a germé une initiative singulière au sein de BNP Paribas CIB (Corporate Investment Banking) à Londres. « Dans notre réseau, le fait d’avoir une personne transgenre qui était out et en parlait aisément nous a vraiment aidé à mieux comprendre les besoins des personnes transgenres. Il est apparu important que les managers devaient être conscients de cette réalité. C’est la raison pour laquelle nous avons imaginé un guide, d’abord à l’usage des managers, puis à destination de l’ensemble des équipes. », témoigne Jonathan Taylor, Head of Communications and Marketing, Global Markets chez BNP Paribas et membre du réseau Pride de l’entreprise.