Coming out, parlons-en !

Coming out, parlons-en !

Pas facile d’avancer à découvert, notamment dans sa vie professionnelle. A l’occasion du Webinaire « Coming-out parlons-en » organisé par TÊTU Connect le 7 octobre, des collaboratrices et collaborateurs témoignent. Certain·e·s ont fait leur coming-out, tandis que d’autres ont accueilli le coming-out d’un.e collaborateur.trice. Dans tous les cas, l’expérience reste mémorable.

Par Chloé Consigny

Safia et Alexandra sont mariées et parents d’une petite fille. Leur histoire est une succession de coming-out, comme l’explique Alexandra Couturier aujourd’hui Asset Protection & Crisis Manager chez Moët Hennessy « en tant que lesbiennes, nous continuons à faire des coming-out toute notre vie. Par exemple, il y a deux jours, je discutais avec une collègue. Nous parlions de nos enfants et elle m’a demandé ce que faisait mon mari. J’ai répondu que je n’avais pas de mari, mais que j’avais une femme ». Aujourd’hui, pour Alexandra, la question de son orientation sexuelle n’est plus un sujet au sein de son environnement professionnel : « maintenant, je ne dis même plus que je suis lesbienne. Je parle de Safia et de ma fille et les gens comprennent d’eux-mêmes ». Cette facilité de parole n’a cependant pas toujours été de mise. Alexandra a débuté sa carrière professionnelle en gendarmerie. A l’âge de 19 ans, lorsque vient le moment de choisir son affectation, elle souhaite à tout prix se rapprocher de sa petite amie de l’époque qui est à Toulouse. « Une fois le classement sorti, je suis allée me confier à une assistante sociale de l’école de Gendarmerie pour avoir des conseils sur mon arrivée en brigade. Compte tenu de ma situation, elle m’a conseillé d’en parler au commandant de brigade à mon arrivée, il était de toutes façons difficile de garder le sujet secret dans la mesure où en tant que gendarme nous sommes logés par nécessité absolue de service (la plupart du temps en caserne). Quelques semaines après en avoir parlé à l’assistante sociale, j’apprends que mon affectation, initialement prévue dans un petit village des hautes Pyrénées, avait changé pour un poste en zone périurbaine de Toulouse, mais on ne me donne alors aucune explication. J’ai su, six mois après mon arrivée dans cette brigade, que mon affection avait changé car j’étais lesbienne. Si la version officielle était : « il est plus facile pour toi de vivre ton homosexualité dans une grande ville », je me demande si, dans une certaine mesure, la gendarmerie n’a pas voulu se préserver en évitant d’envoyer une lesbienne dans un petit village de 1500 habitants ».

Parler de son homoparentalité au travail

Si le coming-out au sein de l’entreprise n’est en rien un passage obligé, c’est parfois l’administration elle-même qui se charge d’outer les personnes homosexuelles. Une façon de procéder qui a un nom : l’outing administratif. De fait, un épineux problème se pose aux personnes qui ont librement choisi de ne pas dire, mais qui se retrouvent contraintes de parler de leur situation personnelle si elles veulent pouvoir bénéficier des mêmes avantages sociaux que leurs autres collègues de l’entreprise. Alexandra et Safia sont aujourd’hui mamans d’une petite fille d’un an et demi. Ayant porté l’enfant, il a été facile à Alexandra de faire état de sa grossesse sur son lieu de travail. Mais quid de son épouse, qui, d’un point de vue professionnel, n’avait pas de « signe extérieur de maternité » ? « En entreprise, je n’ai absolument rien caché. Professionnellement, je me suis toujours complétement assumée et je n’en ai jamais fait un mystère de ma vie personnelle. En ce qui concerne le volet administratif, je connaissais mes droits et je partais du principe que les choses m’étaient dues. Je ne posais pas la question de savoir s’il me serait possible d’avoir accès au congés parental après la naissance. J’ai dit très clairement les choses sans me justifier. Le congé parental m’a été accordé comme tout deuxième parent », explique Safia, qui ajoute : « j’ai quarante ans et je ne peux plus me permettre de demander l’autorisation ».

Recevoir un coming-out comme un cadeau

Qu’en est-il de celui qui reçoit l’information ? Luc Lefer est responsable de la gestion privée sous mandat chez BNP Paribas. En tant que manager, il s’implique sur les sujets de l’inclusion et de la diversité, via notamment des rencontres et des cycles de conférences. « J’ai eu plusieurs exemples de coming out, professionnels et au sein de mon cercle amical. J’ai essayé de comprendre ce qu’il y avait de commun à ces différentes prises de paroles. A mon sens, il faut que plusieurs éléments soient réunis. D’une part, il faut qu’un environnement ou un événement qui favorise l’échange, a l’instar, par exemple, d’une réunion diversité en entreprise. Ce type d’événement permet en effet d’entrer en relation avec la personne qui veut dire qui elle est. Enfin, dans chacune des rencontres, la prise de parole a été faite grâce à un lien de confiance instauré au niveau professionnel ou encore au niveau amical ». Et de conclure : « J’ai toujours reçu les coming-out comme une forme de cadeau et, à chaque fois, je suis véritablement honoré que l’on puisse me faire ce partage. Et ma réaction est toujours de remercier la personne pour sa confiance ». La bonne réponse à un coming out serait : «  merci de ta confiance », tout simplement.