Cinq questions pour comprendre les rôles modèles

Cinq questions pour comprendre les rôles modèles

Favoriser l’intégration et l’épanouissement des personnes LGBT + en entreprise, tel est l’ambition des rôles modèles. Pourquoi ces personnes qui s’assument au travail jouent-elles un rôle dans la visibilité et l’inclusion de la communauté LGBT+ ? Réponse en cinq questions. 

Par Léa Taïeb

Comment définir un rôle modèle ? 

Dans la société française comme au sein des entreprises, la LGBTphobie existe : en 2019, un salarié LGBT+ sur quatre avait été victime d’au moins une agression au sein de son entreprise, d’après une enquête de l’Ifop pour L’Autre Cercle, la première association nationale œuvrant pour l’inclusion des personnes LGBT+ au travail. En conséquence, plus de la moitié des personnes LGBT+ se rendent invisibles en entreprise pour échapper aux discriminations et aux stéréotypes. Beaucoup s’inventent une autre vie par peur que leur identité de genre ou leur orientation sexuelle nuise à leur carrière. « Dans ce contexte, il est nécessaire de faire émerger des rôles modèles, des figures d’identification, des pionniers qui ouvrent la voie », explique Alain Gavand, responsable de l’Observatoire de la Fédération de L’Autre Cercle. Et de poursuivre : « nous devons mettre en valeur les personnes qui occupent un poste à responsabilités et qui s’assument publiquement ». Le rôle modèle – en représentant la communauté LGBT+ qui réussit, en adressant le message : on peut être soi-même et réussir – rend les invisibles à nouveau visibles. « Ce rôle modèle a un impact positif sur l’épanouissement du salarié comme sur les performances de l’entreprise. En effet, un employé qui dissimule une partie de lui-même gaspille beaucoup d’énergie », complète Alain Gavand.

Qui peut être un rôle modèle ? 

Il y a deux catégories de rôles modèles. La première est composée de personnes qui s’affirment comme LGBT+ dans leur milieu professionnel. La deuxième est constituée d’allié.e.s, c’est-à-dire de personnes qui soutiennent publiquement la cause et la communauté LGBT+. « J’insiste sur le fait que l’on peut être rôle modèle sans être forcément dirigeant. De mon point de vue, un rôle modèle c’est une personne qui progresse dans sa carrière tout en s’investissant dans l’inclusion des personnes LGBT+, par exemple, en créant un réseau LGBT+, en communiquant en interne sur le sujet ou en donnant plus de visibilité à cette communauté », rappelle Alain Gavand. 

L’Autre Cercle prépare sa troisième édition des rôles modèles LGBT+ et Allié.e.s au travail (pour l’année 2021) en partenariat avec Air France et sous le haut patronage du président de la République. Il s’attend à ce que les candidatures soient plus nombreuses par rapport aux années précédentes. « Alors que le recueil de candidatures pour la première édition avait été laborieuse, en 2020, plus de 250 personnes se sont portées candidates. C’est le signe que les mentalités évoluent et que de plus en plus de personnes sont prêtes à ouvertement parler de leur identité de genre ou orientation sexuelle », remarque-t-il.

Pour cette édition 2021, l’Autre Cercle s’engage à ce que plus de femmes (lesbiennes et transgenres), plus de personnes en région, et plus de jeunes fassent partie de la sélection pour davantage de représentativité. Pour aller dans ce sens, le palmarès a intégré une nouvelle catégorie en 2020 : les LGBT+ 1er emploi. « Les millenials LGBT+ ne se cachent pas pendant leurs études mais dès qu’ils rejoignent une entreprise, la plupart s’empêchent de faire leur coming-out », observe Alain Gavand. Et d’ajouter : « En termes de marque employeur, si les entreprises veulent continuer à recruter des talents LGBT+, elles doivent s’engager auprès des jeunes diplômés LGBT+. 

Le rôle modèle – en représentant la communauté LGBT+ qui réussit, en adressant le message : on peut être soi-même et réussir – rend les invisibles à nouveau visibles.

Quelles actions un rôle modèle peut-il mettre en place pour favoriser l’inclusion et la diversité ?  

Avant toute chose, le rôle modèle témoigne. Lors d’événements organisés sur son lieu de travail ou dans d’autres entreprises ou organisations, il prend la parole pour montrer qu’il est possible de réussir sur le plan professionnel tout en étant une personne LGBT+. « Partager son expérience, c’est sa première mission », résume Alain Gavand. 

En plus de cela, le rôle modèle peut s’impliquer dans des associations ou être à l’origine d’un ou plusieurs réseaux LGBT+.

Aujourd’hui, toutes les entreprises sont-elles en capacité de faire émerger des rôles modèles ? 

« Ce sont surtout les grands groupes qui organisent des campagnes de recrutement de rôles modèles, qui agissent en faveur d’un environnement professionnel plus favorable à l’inclusion des personnes LGBT+ », observe Alain Gavand. D’après la dernière édition Rôle modèle, l’Autre Cercle a reçu beaucoup plus de candidatures de salarié.e.s de grandes entreprises installées en Île-de-France que de PME localisées en région. « Il y a encore du travail à faire en région et dans les plus petites structures », constate Alain Gavard. Aujourd’hui, même si l’association est implantée dans douze régions de France, les rôles modèles dans ces zones géographiques peinent à émerger.

Comment un rôle modèle gère-t-il sa mission au quotidien ? 

« Je montre qu’être ouvertement gay ne nuit pas à ma carrière. Je montre que l’on peut s’épanouir dans sa vie professionnelle tout en étant pleinement soi-même », déclare Didier Schil, directeur délégué du groupe Atlantic, qui a annoncé son homosexualité à ses collaborateurs, il y a cinq ans. Didier Schil ne met pas particulièrement en avant son orientation sexuelle, simplement, il ne la cache pas à celles et ceux qui l’entourent (ses collègues, ses actionnaires voire ses clients) : « je suis moi-même, je parle de mon compagnon sans faire de prosélytisme », ajoute-t-il. Dans le cadre de sa mission de rôle modèle, il s’entretient avec des collaborateurs LGBT+ dans le placard et les conseille. Il rappelle à quel point leur entreprise est ouverte et inclusive, à quel point l’identité de genre ou l’orientation sexuelle est un non sujet. « Même si, dans mon entreprise, mon exemple peut aider à s’assumer, le plus difficile reste de s’accepter », estime Didier Schil. 

Pour en savoir plus pour candidater ou nominer un.e rôle modèle : https://bit.ly/RMLGBT21