Avec son baromètre Out@Work, réalisé en partenariat avec têtu•, BCG mesure la visibilité LGBTQI+ en entreprise. En 2025, le sentiment d'inclusion des personnes concernées se replie.
Par Chloé Consigny
La dégradation est réelle. « Depuis 2015, nous mesurions une amélioration continue du sentiment d’inclusion au travail. Il y avait eu un petit coup d’arrêt lors de la crise sanitaire : en effet, une des explications est qu’il n’est pas simple de faire son coming-out via zoom. En 2025, nous ne constatons pas d’amélioration par rapport aux données pré-covid, voire même une dégradation » constate Thomas Delano, Directeur associé chez BCG et qui a supervisé la septième édition du baromètre Out@Work*.
En 2025, 48 % des personnes interrogées et concernées affirment avoir fait leur coming-out auprès de l’ensemble de leurs collègues. Un pourcentage en repli de 6 points par rapport à 2018. Malgré une amélioration dans les échanges informels avec les managers (59 % des personnes LGBTQI + mentionnent sans difficulté le genre de leur partenaire en 2025, contre 51 % en 2017), la dissimulation de l’identité reste en hausse dans d’autres contextes professionnels : 45 % cachent leur orientation ou identité de genre à leurs collègues (contre 34 % en 2021) et 35 % à leurs client·es (contre 26 %). En 2025, être out sur son lieu de travail est perçu comme un désavantage pour 30 % des personnes concernées. Un niveau stable par rapport à 2017.
Moins safe, l’entreprise ?
Que s’est-il donc passé au cours des sept dernières années ? Il y a sans conteste un effet post investiture de Donald Trump, avec un repli du sentiment d’inclusion dans les entreprises. Ainsi, depuis le début de l’année 2025, 13 % des personnes LGBTQI + ont observé une évolution négative du climat dans leur entreprise. « Un certain nombre d’entreprises deviennent moins vocales sur ce sujet. En conséquence, à l’interne, les personnes concernées n’osent plus se manifester. Prenons l’exemple d’un jeune qui rejoint une entreprise pour son premier emploi : si aucun signal n’est au vert, il va préférer se taire que prendre le risque de s’exposer », poursuit Thomas Delano.
Cependant, l’actualité étasunienne ne peut – à elle seule – expliquer le repli. La société française n’est pas exempte de LGBTphobies et les entreprises ne sont finalement que le reflet de leurs talents et de leurs client·es. La défiance de l’opinion publique est désormais réelle : 61 % des sondé·es considèrent que les personnes LGBTQI % devraient avoir les mêmes droits que les autres, contre 72 % en 2021. Soit une chute de 9 points en l’espace de quatre ans. Le soutien au mariage pour tous est lui aussi en repli : moins 5 points depuis 2021, avec 63 % de la population générale se prononçant désormais en sa faveur.
Résultat : le vieil adage « Pour vivre heureux·ses, vivons caché·es » reprend du service et le niveau d’autocensure progresse. Pour 72 % des personnes LGBTQI + non visibles sur leur lieu de travail « l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont des sujets d’ordre privé ». En 2021, ils étaient 62 % à opposer le même argument, signe que les personnes concernées semblent avoir intégré le discours ambiant. « Il y a aujourd’hui un mouvement dans un certain nombre de pays qui ne peut qu’inciter les personnes LGBTQI + à la prudence », décrypte Thomas Delano.
Polarisation
Dans cette tendance au repli néanmoins, les entreprises les plus investies sur les sujets D&I se distinguent clairement. Ainsi, 94 % des personnes LGBTQI + se sentent à l’aise de s’exprimer au sein des entreprises qui ont maintenu leur stratégie Diversité et Inclusion, contre 62 % au sein des organisations les moins investies. « Si on ne parle jamais de ce sujet, le sentiment en interne diminue. Le silence aboutit à une invisibilisation des diversités et des minorités, quelles qu’elles soient », analyse Thomas Delano qui ajoute : « Il faut bien avoir à l’esprit que le sujet est hautement économique. Dans l’environnement actuel, une entreprise qui reste vocale sur les sujets LGBTQI + se singularise et parvient à capter et à fidéliser ses talents ». En retour, les entreprises les plus investies reçoivent le meilleur de leurs talents LGBTQI +. Ainsi, selon le baromètre Out@Work : plus un·e salarié·e évolue dans un environnement safe et inclusif et plus il ou elle donne le meilleur dans son travail.
La parentalité, loin d’être anecdotique
Le baromètre 2025 a également été l’occasion de sonder les collaborateurs et collaboratrices sur le sujet de la parentalité. Il apparaît que parmi les personnes LGBTQI +, ce sujet est loin d’être anecdotique, puisqu’en 2025, 65 % des personnes LGBTQI+ sont parents ou envisagent de l’être. Cependant, là encore, la tendance est à la discrétion. 32 % des personnes concernées évitent le sujet par peur de stigmatisation ou par crainte de susciter la polémique (26 %). Pire, 21 % des parents LGBTQI + ont connu des difficultés à faire reconnaître légalement leur parentalité en entreprise et 16 % d’entre eux ont évité de demander un congé paternité ou maternité. Une invisibilisation qui, là encore, fait écho au climat sociétal. Dans l’opinion publique, désormais seul·es 55 % des sondé·es estiment que les personnes LGBTQI + devraient pouvoir adopter des enfants, contre 66 % en 2021. Par ailleurs, une minorité de personnes se prononce en faveur de l’accès à la médecine reproductive pour les personnes LGBTQI + (46 % en 2025, contre 53 % en 2021).
Cliquez ici pour télécharger l’étude complète(PDF).
*Sondage réalisé en mars 2025, en France, auprès d’un échantillon de 1 000 personnes, dont une large majorité de personnes LGBTQI + (75 %).
